Les échanges au sein d’une entreprise avec un avocat interne ne bénéficient pas de la traditionnelle confidentialité des communications entre clients et avocats : c’est ce qu’a jugé le 14 septembre 2010 la Cour de Luxembourg dans la désormais fameuse affaire « Akzo Nobel Chemicals ». Une décision qui ne manquera pas d’impacter le débat actuel sur le statut d’« avocat en entreprise ».
L’arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes le 17 septembre 2007 avait fait couler beaucoup d’encre. Celui de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 septembre 2010, sur pourvoi formé contre la décision des premiers juges, confirmant que les échanges au sein d’une entreprise avec un avocat interne ne bénéficient pas du legal privilege, sera sans doute accueilli avec davantage de fatalisme par les professions d’avocat et de juriste d’entreprise. Il est vrai que les conclusions de l’avocat général Juliane Kokott rendues publiques en avril dernier laissaient peu de place au doute...
De quoi s’agissait-il ? La Cour de Luxembourg était appelée à préciser la procédure à suivre quand, lors d’une vérification, une entreprise invoque la confidentialité de certains documents, ainsi que l’étendue de cette protection.
En l’espèce, le litige opposait les sociétés Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals à la Commission. Celle-ci, lors d’une inspection dans le cadre d’une procédure d’enquête en matière d’entente, avait saisi des documents échangés entre la direction de ces sociétés et des avocats internes néerlandais employés par ces dernières. Durant l’examen des documents saisis, un différend était survenu à propos notamment de deux copies de courriers électroniques échangés entre le directeur général et le coordinateur d’Akzo Nobel pour le droit de la concurrence, un avocat inscrit au Barreau néerlandais et employé par le service juridique de cette entreprise. La Commission avait considéré que ces documents n’étaient pas protégés par la confidentialité des communications entre avocats et clients.
Dénouement de cette affaire, la décision rendue par la Cour de Luxembourg constituera une évidente déception pour les juristes d’entreprise, qui réclament depuis longtemps le bénéfice d’un legal privilege effectif, prérogative qu'ils estiment indispensable pour lutter à armes égales avec leurs homologues européens. S’agissant des avocats, la Cour de Luxembourg confirme ici sa jurisprudence AM&S de 1982 selon laquelle la confidentialité des communications entre un client et son avocat ne s’applique que si ce dernier est indépendant, c’est-à-dire « non lié par un rapport d’emploi ». La Cour a notamment rejeté les arguments selon lesquels, même salarié, il pourrait conserver une certaine indépendance intellectuelle, sa situation ne lui permettant pas, notamment, «de s’écarter des stratégies commerciales poursuivies par son employeur » et mettant ainsi « en cause sa capacité à agir dans une indépendance professionnelle ».
Ce qui signifie que les avocats exerçant en entreprise dans les pays où la législation le permet sont également exclus du legal privilege…
Une décision qui ne manquera pas d’influencer les débats sur l’exercice de la profession d’ « avocat en entreprise »... Reste a savoir si une réforme est encore possible pour le gouvernement pour éviter que la Cour de Luxembourg continue à estimer au fil de sa jurisprudence qu’« aucune tendance prépondérante en faveur d’une protection de la confidentialité des communications au sein d’une entreprise ou d’un groupe avec des avocats internes ne peut être dégagée en ce qui concerne les ordres juridiques des Etats membres »…
A suivre !