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Lettre ouverte à Monsieur le Bâtonnier Dominique BOUCHERON

Jeudi 2 Juillet 2015

Président de la Caisse Nationale des Barreaux Français (C.N.B.F)


Non, la FNUJA n’entend pas revenir sur notre système de retraite par répartition !

Lettre ouverte à Monsieur le Bâtonnier Dominique BOUCHERON

Nancy, le 2 juillet 2015
 
 
 
Monsieur le Président,
 
Depuis le 1er janvier 2015, la réforme du régime complémentaire de la CNBF a été mise en place.
 
Contrairement à ce que vous avez pu affirmer à grand renfort de communication et notamment dans votre lettre d’information du 10 juin dernier, la FNUJA ne milite pas pour un système libéral individuel par capitalisation, pas plus qu’elle ne souhaite remettre en cause le principe de solidarité intergénérationnelle.
 
L'interrogation des jeunes avocats depuis de nombreux mois ne porte pas sur l'opportunité d'une réforme de notre régime complémentaire, mais sur les raisons pour lesquelles nous avons été contraints d'y procéder.
 
 
Un rapport »secret »
 
Comme vous l'avez souligné, cette réforme a été conçue dans un délai contraint, à la suite de recommandations de l'IGAS, mettant en évidence une situation déficitaire de notre régime de retraite complémentaire prévue pour 2019.
 
Cet état de fait n'a pu que surprendre dans la mesure où, durant des années, vos prédécesseurs n'ont cessé de nous assurer de la pérennité de nos régimes compte tenu de l'exceptionnelle démographie de la profession.
 
De même, vous avez consciencieusement souhaité ne pas constituer de réserves trop importantes dans le souci de ne pas rendre "la mariée trop belle". En effet, la préoccupation majeure de votre prédécesseur était de défendre la CNBF contre tout risque de fusion ou d'absorption dans le régime général ou dans un autre régime interprofessionnel.
 
Vous avez refusé, tout comme votre prédécesseur, la communication de ce rapport de l'IGAS mettant en évidence la fragilité de notre régime et sa nécessaire réforme au motif d'un caractère de confidentialité absolue de ce document. Pourtant, comme vous ne l'ignorez pas, il est tout à fait possible de masquer les données nominatives… Mais le plus étonnant est que l'ensemble des membres de la commission de réforme de la CNBF n'ont pas non plus eu accès à ce document.
 
 
Une réforme pesant davantage sur les actifs
 
Si nous avons en réalité fait le choix de la mutualisation et de la solidarité, c'est en considérant que nous pourrions profiter de notre nombre pour offrir à tous des services de qualité auxquels, seuls, ils ne pourraient accéder. C'est également la raison d'être du régime optionnel de retraite de la CNBF. Il est bien évident qu'un régime optionnel devenant obligatoire mais servant des prestations de moindre qualité que celles auxquelles les avocats pourraient prétendre auprès d'autres opérateurs serait inacceptable.
 
Nous sommes attachés à la solidarité en ce qu'elle implique un partage équitable, tant des profits que des pertes. En l'état, on peut légitimement s'interroger sur le caractère solidaire du régime optionnel de la CNBF.
 
Faut-il rappeler que 20 % des points servis au titre du régime complémentaire et optionnel ont été attribués gratuitement ? Plus de 37 % des points en service ont été attribués pour 50 % de la valeur du taux d’appel. Il s’agit d’autant de « cadeaux » et de dettes mis désormais à la charge des actifs.
 
La CNBF n'est pas la seule caisse de retraite à avoir offert gratuitement des points à l'instauration d'un régime complémentaire ou optionnel afin de le rendre attractif.
 
Cependant, elle fait exception en n’ayant jamais daigné moduler le taux de service du point en fonction des conditions d’attribution de ceux-ci. Ne s’agit-il pas là du minimum qu’impose la solidarité intergénérationnelle ?
 
En l’état, vous faites supporter l’essentiel du poids financier de votre réforme sur les seuls actifs alors que votre gestion passée accorde aux retraités un retour sur investissement de l’ordre de 7,5 %. N’est-ce pas choquant ?
 
 
Une atteinte au principe d’égalité
 
S’agissant du régime de base, le seuil de calcul de la pension CNBF résultant des articles L723-11 et R723-37 du Code de la Sécurité Sociale est en l'état fixé à 15 années. Nous y voyons une atteinte grave au principe d’égalité.
 
Vous n'êtes pas sans savoir que plus d’un quart des avocats quitte la profession dans les 15 ans qui suivent leur prestation de serment.
 
Le montant de la retraite de base CNBF à taux plein est de 16 499,00 €. En-deçà de 15 années de cotisations, l'avocat ne perçoit pas un prorata de cette somme, mais une fraction équivalente à l'allocation vieux travailleur salarié (AVTS) au prorata de sa durée de cotisation.
 
De ce fait, la retraite versée pour 16 ans de cotisation est de 6 439 € par an alors qu’elle n’est que de 3 380 € pour 15 années cotisées, ce qui constitue une rupture d’égalité incontestable.
 
L'évolution de la profession tend à démontrer que de nombreux jeunes avocats verront leur carrière évoluer, tantôt dans le Barreau, tantôt à l'extérieur. En ce sens, cette règle des 15 ans n'est plus adaptée.
 
Toute réforme de cette règle impliquera bien évidemment une modification législative ou réglementaire. Il serait du rôle de la CNBF de porter la nécessité de cette réforme auprès des autorités de tutelle.
 
 
Une atteinte au principe de solidarité
 
Enfin, alors que le précédent régime de retraite complémentaire impliquait une option définitive, tel n'est plus le cas depuis le 1er janvier 2015. Auparavant, un avocat choisissant de cotiser au régime C3 ne pouvait décider de revenir sur son choix (retraite de base ou C1, C2…).
 
Cette donnée à une conséquence non négligeable dans l'hypothèse du cumul emploi/retraite.
 
En effet, l'avocat qui fait le choix, alors qu'il est en droit de prétendre à une retraite à taux plein, de poursuivre son activité peut le faire en percevant sa pension de retraite à condition de continuer à cotiser. Auparavant, si cet avocat avait fait le choix d'une cotisation optionnelle au taux C3, il devait continuer à verser, tant ses cotisations au régime de base que ses cotisations au régime complémentaire au taux choisi. Dorénavant, il est possible de poursuivre cette activité et de percevoir cette prestation en changeant d’option et réduire ainsi le montant des cotisations.
 
Ce choix a été fait alors que le cumul emploi retraite coutait déjà cher à la CNBF du fait de l’abaissement de l’âge de départ en retraite qu’il générait. La situation actuelle est d’autant plus choquante que les premières années en cumul emploi/retraite font apparaitre une augmentation globale des revenus des confrères concernés.
 
Nous y voyons, là aussi, une atteinte au principe de solidarité.
 
 
 
Vous l'aurez compris, les jeunes avocats n'entendent nullement remettre en cause l'indépendance ou l'existence de la CNBF, bien au contraire.
 
Ils souhaitent bénéficier d'un régime de retraite complémentaire et de base fondé sur une réelle solidarité intergénérationnelle, géré par les avocats et pour les avocats.
 
Vous m'avez proposé, dès mon élection au mois de mai dernier, de me rencontrer afin d'apaiser nos différends. J'ai répondu favorablement à votre demande avant que vous n'annuliez à deux reprises ce rendez-vous.
 
Pour en finir, Monsieur le Président, j'ai bien peur que nos Confrères se lassent de nos échanges par lettres ouvertes interposées, mais il me semblait important de rétablir un certain nombre de vérités.
 
Je vous propose de poursuivre notre dialogue dans des formes plus conventionnelles et reste à votre entière disposition pour vous rencontrer.
 
Dans cette attente,
 
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de ma haute considération.
 
 
 
Matthieu DULUCQ
Président de la FNUJA