1. Concernant les incriminations
La CNCDH relève quatre éléments distincts donnant lieu à des divergences entre les incriminations prévues par le Statut de Rome et celles du projet de loi.
a) Tout d’abord, la CNCDH remarque que la définition du crime contre l’humanité dans le projet de loi exige que l’attaque systématique et généralisée soit commise en « exécution d’un plan concerté » (article 2), alors même que le Statut de Rome n’évoque qu’une « connaissance de cette attaque » (article 7). Cette remarque vaut pour la définition du crime de génocide déjà prévue par le Code pénal qui pose la condition similaire de plan concerté2, non prévue là par le Statut de Rome (article 6).
b) En outre, la CNCDH constate des modifications dans la formulation de certaines incriminations. Ainsi, l’expression « à l’encontre d’un groupe de population civile » (article 2 alinéa 1) se substitue à « contre toute population civile » (article 7 alinéa 1) du Statut de Rome. Par ailleurs, certains actes constitutifs d’un crime contre l’humanité reçoivent, dans le projet de loi, une formulation différente de celle du Statut de Rome.
c) De surcroît, le projet de loi introduit une autre distinction dans le livre IV bis du Code pénal entre crimes et délits de guerre. En s’écartant ainsi du Statut de Rome dont l’article 8 dans son intégralité vise expressément les « crimes de guerre », cette distinction suggère des différences de responsabilité pénale, pour les crimes définis par le Statut, établies sur la base de distinctions nationales qui n’ont pas de fondement en droit international.
d) De plus, certaines incriminations prévues par le Statut de Rome ne figurent pas dans le projet de loi : ainsi, l’esclavage sexuel ne fait partie ni des actes constitutifs du crime contre l’humanité au sens de l’article 2 paragraphe 7, ni de ceux constitutifs du crime de guerre tel qu’énoncé dans les dispositions amenées à devenir l’article 461-4 du Code pénal, alors qu’il est réprimé par le Statut de Rome dans ses articles 7 alinéa7 et 8 alinéa 2 § b et c. De même, la prise d’otages (article 8 alinéa 2 § a) n’est pas mentionnée au titre des crimes et délits de guerre.
La CNCDH rappelle à nouveau que de telles disparités entre les dispositions du Statut de Rome, dûment ratifié par la France, et celles du projet de loi adopté par le Sénat portent atteinte à la cohérence, à l’harmonisation et à la consolidation du Droit international pénal. La conformité entre les définitions des incriminations du Droit français et celles du Statut de Rome est, par ailleurs, nécessaire pour que les auteurs des crimes internationaux puissent être poursuivis dans les même conditions devant la Cour pénale internationale que devant les tribunaux français, en application du principe de complémentarité qui sous-tend l’ensemble du régime juridique institué par le Statut de Rome.
La CNCDH recommande que les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale soient, dans toute la mesure du possible, intégrés par le projet de loi et définis dans les mêmes termes.
a) Tout d’abord, la CNCDH remarque que la définition du crime contre l’humanité dans le projet de loi exige que l’attaque systématique et généralisée soit commise en « exécution d’un plan concerté » (article 2), alors même que le Statut de Rome n’évoque qu’une « connaissance de cette attaque » (article 7). Cette remarque vaut pour la définition du crime de génocide déjà prévue par le Code pénal qui pose la condition similaire de plan concerté2, non prévue là par le Statut de Rome (article 6).
b) En outre, la CNCDH constate des modifications dans la formulation de certaines incriminations. Ainsi, l’expression « à l’encontre d’un groupe de population civile » (article 2 alinéa 1) se substitue à « contre toute population civile » (article 7 alinéa 1) du Statut de Rome. Par ailleurs, certains actes constitutifs d’un crime contre l’humanité reçoivent, dans le projet de loi, une formulation différente de celle du Statut de Rome.
c) De surcroît, le projet de loi introduit une autre distinction dans le livre IV bis du Code pénal entre crimes et délits de guerre. En s’écartant ainsi du Statut de Rome dont l’article 8 dans son intégralité vise expressément les « crimes de guerre », cette distinction suggère des différences de responsabilité pénale, pour les crimes définis par le Statut, établies sur la base de distinctions nationales qui n’ont pas de fondement en droit international.
d) De plus, certaines incriminations prévues par le Statut de Rome ne figurent pas dans le projet de loi : ainsi, l’esclavage sexuel ne fait partie ni des actes constitutifs du crime contre l’humanité au sens de l’article 2 paragraphe 7, ni de ceux constitutifs du crime de guerre tel qu’énoncé dans les dispositions amenées à devenir l’article 461-4 du Code pénal, alors qu’il est réprimé par le Statut de Rome dans ses articles 7 alinéa7 et 8 alinéa 2 § b et c. De même, la prise d’otages (article 8 alinéa 2 § a) n’est pas mentionnée au titre des crimes et délits de guerre.
La CNCDH rappelle à nouveau que de telles disparités entre les dispositions du Statut de Rome, dûment ratifié par la France, et celles du projet de loi adopté par le Sénat portent atteinte à la cohérence, à l’harmonisation et à la consolidation du Droit international pénal. La conformité entre les définitions des incriminations du Droit français et celles du Statut de Rome est, par ailleurs, nécessaire pour que les auteurs des crimes internationaux puissent être poursuivis dans les même conditions devant la Cour pénale internationale que devant les tribunaux français, en application du principe de complémentarité qui sous-tend l’ensemble du régime juridique institué par le Statut de Rome.
La CNCDH recommande que les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale soient, dans toute la mesure du possible, intégrés par le projet de loi et définis dans les mêmes termes.
2. Concernant la prescription
Contrairement au principe général d’imprescriptibilité applicable à tous les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale prévu à l’article 29 du Statut de Rome, le projet de loi soumet les crimes de guerre à une prescription de l'action publique et de la peine, à partir de la condamnation définitive, de 30 ans et les délits de guerre à une prescription de 20 ans (article 7 futur article 462-10 du Code pénal).
La CNCDH considère qu’une telle disposition va à l’encontre de l’unité du régime applicable à l’ensemble des crimes relevant de la compétence du Statut de Rome et qu’elle affaiblit ainsi la répression des crimes et délits de guerre, menaçant l’harmonisation de la répression de ces crimes au niveau international. Le Conseil Constitutionnel a en outre décidé le 22 janvier 1999 qu’ « aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale »3.
La CNCDH recommande que, conformément à l’article 29 du Statut de Rome, le principe général d’imprescriptibilité soit intégré dans le Code pénal et s’applique à tous les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
La CNCDH considère qu’une telle disposition va à l’encontre de l’unité du régime applicable à l’ensemble des crimes relevant de la compétence du Statut de Rome et qu’elle affaiblit ainsi la répression des crimes et délits de guerre, menaçant l’harmonisation de la répression de ces crimes au niveau international. Le Conseil Constitutionnel a en outre décidé le 22 janvier 1999 qu’ « aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale »3.
La CNCDH recommande que, conformément à l’article 29 du Statut de Rome, le principe général d’imprescriptibilité soit intégré dans le Code pénal et s’applique à tous les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
3. Concernant les motifs d’exonération de la responsabilité pénale
Si la CNCDH se félicite de l'amélioration apportée par le Sénat en amendant le projet d'article 462-9 (excuse de légitime défense), elle souligne toutefois que la formulation demeure imparfaite et incomplète par rapport à l'article 31-1-c du Statut de Rome.
L’article 7 du projet de loi (futur article 462-8) amendé par le Sénat transpose les dispositions de l’article 33 du Statut de Rome qui prévoit qu’ « un crime relevant de la compétence de la Cour […] commis sur ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur, militaire ou civil, n'exonère pas la personne qui l'a commis de sa responsabilité pénale ». Trois exceptions sont prévues par le Statut de Rome qui précise, en outre, dans un paragraphe 2 à l'article 33, que « l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité est manifestement illégal ». Si ces trois exceptions sont bien reprises par le projet de loi français, il serait particulièrement judicieux que cette disposition soit complétée et précisée, conformément à l'article 33 § 2 du Statut de Rome.
Par ailleurs, la CNCDH constate que l’article 462-114 conduit à exclure de la compétence de la Cour pénale internationale certaines infractions constitutives de crimes de guerre au sens du Statut de Rome ainsi qu'à exonérer la France de l'application des règles du Droit international humanitaire et du Droit international pénal dès l'instant où elle agirait dans le cadre de l’exercice de son « droit de légitime défense », ce qui est difficilement compréhensible.
La CNCDH demande que les formulations des articles 462-9 et 462-8 soient revues afin de les rapprocher des dispositions des articles 31-1-c et 33 du Statut de Rome. Elle demande également l’aménagement de l’article 462-11 du projet de loi.
L’article 7 du projet de loi (futur article 462-8) amendé par le Sénat transpose les dispositions de l’article 33 du Statut de Rome qui prévoit qu’ « un crime relevant de la compétence de la Cour […] commis sur ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur, militaire ou civil, n'exonère pas la personne qui l'a commis de sa responsabilité pénale ». Trois exceptions sont prévues par le Statut de Rome qui précise, en outre, dans un paragraphe 2 à l'article 33, que « l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité est manifestement illégal ». Si ces trois exceptions sont bien reprises par le projet de loi français, il serait particulièrement judicieux que cette disposition soit complétée et précisée, conformément à l'article 33 § 2 du Statut de Rome.
Par ailleurs, la CNCDH constate que l’article 462-114 conduit à exclure de la compétence de la Cour pénale internationale certaines infractions constitutives de crimes de guerre au sens du Statut de Rome ainsi qu'à exonérer la France de l'application des règles du Droit international humanitaire et du Droit international pénal dès l'instant où elle agirait dans le cadre de l’exercice de son « droit de légitime défense », ce qui est difficilement compréhensible.
La CNCDH demande que les formulations des articles 462-9 et 462-8 soient revues afin de les rapprocher des dispositions des articles 31-1-c et 33 du Statut de Rome. Elle demande également l’aménagement de l’article 462-11 du projet de loi.
4. Concernant la compétence extraterritoriale des juridictions pénales françaises
La CNCDH a demandé à plusieurs reprises au législateur d’instaurer un principe de compétence extraterritoriale des juridictions pénales françaises afin que celles-ci puissent connaître des crimes internationaux les plus graves commis à l’étranger, contre des étrangers et par une personne étrangère, dès lors qu’« il existe des éléments suffisants laissant supposer que cette personne se trouve sur le territoire français »5. La CNCDH se félicite donc de l'insertion, par le Sénat, d'une nouvelle disposition, l'article 7 bis, qui vise à introduire un nouvel article 689-11 dans le Code de procédure pénal, et qui confie aux juridictions françaises une compétence extraterritoriale pour connaître des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
Cependant, la CNCDH regrette que cette disposition, pourtant essentielle pour lutter contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves, soit assortie de conditions cumulatives injustifiées et contraires aux dispositions préexistantes dans ce domaine (cf. articles 689-1 et s. du CPP, lois n° 95-1 du 2 janvier 1995 et loi n° 96-432 du 22 mai 1996). De surcroît, la CNCDH craint que le cumul de ces conditions ne rende cette nouvelle disposition totalement inopérante.
a) Ainsi, le projet d'article 7 bis impose une condition de résidence habituelle de l’auteur des faits sur le territoire de la République française. Cette condition est plus stricte que celle prévue par l’article 689-1 du Code de procédure pénale, applicable aux crimes de torture, terrorisme, etc. (articles 689-2 et suivants), qui n’exige qu’une simple présence sur le territoire français pour activer la compétence des tribunaux français. Le projet de loi rend donc plus difficile la poursuite par les juridictions françaises des « crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale »6 par rapport à la poursuite des crimes d’une ampleur moindre sur l’échelle des infractions internationales. Cette différence de traitement est d’autant plus paradoxale que les juridictions françaises peuvent poursuivre les auteurs présumés des crimes relevant de la compétence des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et se trouvant en France (lois n° 95-1 du 2 janvier 1995 et loi n° 96-432 du 22 mai 1996), et que la France a récemment ratifié par la loi du 17 juillet 2008 la Convention internationale sur les disparitions forcées qui prévoit une compétence extraterritoriale sur simple présence en France de l’auteur présumé des faits.
b) L’article 7 bis instaure par ailleurs une condition de double incrimination dans le cas où l’Etat dont le ressortissant a la nationalité ou sur le territoire duquel les faits ont été commis n’est pas partie au Statut de Rome. Encore une fois, cette condition n’est pas exigée dans les dispositions déjà existantes relatives à la compétence extraterritoriale des juridictions françaises. Elle conduit à conditionner la poursuite par la France des crimes les plus graves à l’existence d’une loi nationale étrangère, alors même que la France est partie à la Convention internationale qui définit et punit ces crimes.
c) L’article 7 bis prévoit en outre le monopole des poursuites par le Ministère Public, en violation avec le droit des victimes à un recours effectif et alors que « la France s’est activement engagée à la reconnaissance des droits des victimes tout au long des négociations pour l’établissement de la CPI »7 et à leur consécration comme sujets de droit international. La CNCDH déplore l’atteinte au principe d’égalité d’accès à la justice et la discrimination établie entre les victimes par le projet de loi quant au déclenchement des poursuites. Elle souligne l’incohérence entre la disposition proposée et la politique légitimement menée par la France en soutien à la place des victimes dans le système de la Cour pénale internationale.
d) Enfin, la CNCDH constate que l’article 7 bis se fonde sur une interprétation erronée du principe de complémentarité en prévoyant que « le Ministère Public s'assure auprès de la Cour pénale internationale qu'elle décline expressément sa compétence ». Le principe de complémentarité, qui inspire l’ensemble du régime juridique mis en place par le Statut de Rome, établit au contraire la primauté des juridictions nationales, dès lors principalement responsables pour connaître des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
Ainsi, la CNCDH considère que les conditions instituées par le projet de loi préalables à l’activation de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises ne sont pas conformes à la lettre et à l’esprit du Statut de Rome, et qu’elles sont bien en deçà des dispositions pénales françaises préexistantes dans d'autres domaines. Elles introduisent, de ce fait, des atteintes graves aux droits acquis des victimes et conduisent à l’existence d’une discrimination de traitement entre, d’une part, les victimes de torture et de terrorisme, et d’autre part, les victimes d’autres crimes internationaux.
En outre, la CNCDH relève que nombreux sont les Etats qui ont d'ores et déjà prévu une compétence extraterritoriale de leurs juridictions pénales nationales dans leur législation nationale et, qu'en adoptant de telles conditions restrictives, la France s’écarte des pratiques actuelles de nombreux autres Etats, notamment européens.
La CNCDH relève, par ailleurs, que ces restrictions ne sont pas conformes aux obligations issues des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels qui prévoient une compétence universelle en cas d’infractions graves au Droit international humanitaire. A cet égard, la CNCDH réitère son souhait que la France se mette enfin en conformité avec ses engagements internationaux en intégrant régulièrement et intégralement dans son droit interne les dispositions des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels. Alors que l’Assemblée Générale des Nations Unies se félicitait en 2006 « du nombre croissant de commissions et comités nationaux chargés de faire appliquer le droit international humanitaire, de promouvoir la transposition en droit interne des traités qui le constituent […] »8, la CNCDH regrette que la France ne saisisse pas ce moment historique pour intégrer totalement dans son droit interne la répression des violations graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux deux Protocoles de 19779.
La CNCDH demande la transposition, en droit interne, des quatre Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels.
La CNCDH propose l’amendement suivant à l’article 7 bis du projet de loi.
Cependant, la CNCDH regrette que cette disposition, pourtant essentielle pour lutter contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves, soit assortie de conditions cumulatives injustifiées et contraires aux dispositions préexistantes dans ce domaine (cf. articles 689-1 et s. du CPP, lois n° 95-1 du 2 janvier 1995 et loi n° 96-432 du 22 mai 1996). De surcroît, la CNCDH craint que le cumul de ces conditions ne rende cette nouvelle disposition totalement inopérante.
a) Ainsi, le projet d'article 7 bis impose une condition de résidence habituelle de l’auteur des faits sur le territoire de la République française. Cette condition est plus stricte que celle prévue par l’article 689-1 du Code de procédure pénale, applicable aux crimes de torture, terrorisme, etc. (articles 689-2 et suivants), qui n’exige qu’une simple présence sur le territoire français pour activer la compétence des tribunaux français. Le projet de loi rend donc plus difficile la poursuite par les juridictions françaises des « crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale »6 par rapport à la poursuite des crimes d’une ampleur moindre sur l’échelle des infractions internationales. Cette différence de traitement est d’autant plus paradoxale que les juridictions françaises peuvent poursuivre les auteurs présumés des crimes relevant de la compétence des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et se trouvant en France (lois n° 95-1 du 2 janvier 1995 et loi n° 96-432 du 22 mai 1996), et que la France a récemment ratifié par la loi du 17 juillet 2008 la Convention internationale sur les disparitions forcées qui prévoit une compétence extraterritoriale sur simple présence en France de l’auteur présumé des faits.
b) L’article 7 bis instaure par ailleurs une condition de double incrimination dans le cas où l’Etat dont le ressortissant a la nationalité ou sur le territoire duquel les faits ont été commis n’est pas partie au Statut de Rome. Encore une fois, cette condition n’est pas exigée dans les dispositions déjà existantes relatives à la compétence extraterritoriale des juridictions françaises. Elle conduit à conditionner la poursuite par la France des crimes les plus graves à l’existence d’une loi nationale étrangère, alors même que la France est partie à la Convention internationale qui définit et punit ces crimes.
c) L’article 7 bis prévoit en outre le monopole des poursuites par le Ministère Public, en violation avec le droit des victimes à un recours effectif et alors que « la France s’est activement engagée à la reconnaissance des droits des victimes tout au long des négociations pour l’établissement de la CPI »7 et à leur consécration comme sujets de droit international. La CNCDH déplore l’atteinte au principe d’égalité d’accès à la justice et la discrimination établie entre les victimes par le projet de loi quant au déclenchement des poursuites. Elle souligne l’incohérence entre la disposition proposée et la politique légitimement menée par la France en soutien à la place des victimes dans le système de la Cour pénale internationale.
d) Enfin, la CNCDH constate que l’article 7 bis se fonde sur une interprétation erronée du principe de complémentarité en prévoyant que « le Ministère Public s'assure auprès de la Cour pénale internationale qu'elle décline expressément sa compétence ». Le principe de complémentarité, qui inspire l’ensemble du régime juridique mis en place par le Statut de Rome, établit au contraire la primauté des juridictions nationales, dès lors principalement responsables pour connaître des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.
Ainsi, la CNCDH considère que les conditions instituées par le projet de loi préalables à l’activation de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises ne sont pas conformes à la lettre et à l’esprit du Statut de Rome, et qu’elles sont bien en deçà des dispositions pénales françaises préexistantes dans d'autres domaines. Elles introduisent, de ce fait, des atteintes graves aux droits acquis des victimes et conduisent à l’existence d’une discrimination de traitement entre, d’une part, les victimes de torture et de terrorisme, et d’autre part, les victimes d’autres crimes internationaux.
En outre, la CNCDH relève que nombreux sont les Etats qui ont d'ores et déjà prévu une compétence extraterritoriale de leurs juridictions pénales nationales dans leur législation nationale et, qu'en adoptant de telles conditions restrictives, la France s’écarte des pratiques actuelles de nombreux autres Etats, notamment européens.
La CNCDH relève, par ailleurs, que ces restrictions ne sont pas conformes aux obligations issues des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels qui prévoient une compétence universelle en cas d’infractions graves au Droit international humanitaire. A cet égard, la CNCDH réitère son souhait que la France se mette enfin en conformité avec ses engagements internationaux en intégrant régulièrement et intégralement dans son droit interne les dispositions des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels. Alors que l’Assemblée Générale des Nations Unies se félicitait en 2006 « du nombre croissant de commissions et comités nationaux chargés de faire appliquer le droit international humanitaire, de promouvoir la transposition en droit interne des traités qui le constituent […] »8, la CNCDH regrette que la France ne saisisse pas ce moment historique pour intégrer totalement dans son droit interne la répression des violations graves aux Conventions de Genève de 1949 et aux deux Protocoles de 19779.
La CNCDH demande la transposition, en droit interne, des quatre Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels.
La CNCDH propose l’amendement suivant à l’article 7 bis du projet de loi.
Proposition d’amendement de la CNCDH à l’article 7 bis du projet de loi
La CNCDH recommande de rédiger l’alinéa 1 du texte adopté par le Sénat comme suit :
« Pour l’application du Statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 17 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes :
1° Crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-4 du Code pénal ;
2° Crimes de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même Code ;
3° Infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et au Protocole additionnel I du 8 juin 1977, autres que celles prévues aux 1° et 2° ci-dessus».
La CNCDH recommande la suppression de l’alinéa 2 du texte adopté par le Sénat.
Cet amendement aurait pour effet d’aligner les dispositions applicables aux crimes définis par le Statut de Rome et les Conventions et Protocole de Genève sur celles déjà retenues dans le Code pénal français:
- pour les crimes relevant de la compétence des tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ;
- pour la mise en oeuvre des Conventions internationales relatives aux disparitions forcées, à la torture et à la répression du terrorisme.
« Pour l’application du Statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 17 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes :
1° Crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-4 du Code pénal ;
2° Crimes de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même Code ;
3° Infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et au Protocole additionnel I du 8 juin 1977, autres que celles prévues aux 1° et 2° ci-dessus».
La CNCDH recommande la suppression de l’alinéa 2 du texte adopté par le Sénat.
Cet amendement aurait pour effet d’aligner les dispositions applicables aux crimes définis par le Statut de Rome et les Conventions et Protocole de Genève sur celles déjà retenues dans le Code pénal français:
- pour les crimes relevant de la compétence des tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ;
- pour la mise en oeuvre des Conventions internationales relatives aux disparitions forcées, à la torture et à la répression du terrorisme.