FNUJA
FNUJA
FNUJA | Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats
Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats

Discours de Stéphane DHONTE, Nouveau Président de la FNUJA

Mercredi 8 Juin 2011



Discours prononcé, le 4 juin 2011, lors du Congrès d'Aix en Provence.


Discours de Stéphane DHONTE, Nouveau Président de la FNUJA



Chers amis,

Nous vivons, dans le monde et en France, une période exceptionnelle et exceptionnellement féconde.

Dans le monde, regardez cette jeunesse debout, qui parfois au prix du sang, a fait se lever un vent de liberté.

Chez nous, plus simplement, les cartes sont rebattues, et pas seulement la carte judiciaire.

Quelque soit les contraintes qu'elles font peser sur notre profession, les évolutions récentes et si profondes de notre procédure pénale, notamment en matière de garde à vue, rendent enfin compte d'une justice à haut niveau d'exigence pour le respect des droits de nos concitoyens.

Nous veillerons à ce que cette exigence demeure inscrite dans la réforme annoncée de la justice des mineurs. Un Etat qui attise la peur de ses enfants, est un Etat qui se meurt.

Aide juridictionnelle, avocats en entreprise, collaboration, fiscalité des cabinets d'avocats, gouvernance de la profession, exercice professionnel sont des aspects plus corporatistes, mais ô combien importants du travail qui nous attend.

Sur chacune de ces questions, la FNUJA a évidemment vocation à faire entendre sa voix.

Que l'on n'en doute pas: défendre les jeunes avocats, c'est défendre la profession toute entière. Et il n'existe guère d'autre lieu que notre fédération, où il soit permis aux jeunes avocats de débattre de leurs conditions d'exercice professionnel, de leur avenir.



C'est sur 3 chantiers que je souhaite vous proposer d'avancer plus significativement lors du mandat qui s'ouvre aujourd'hui.


1)- La création d'un groupement national de défense des collaborateurs

Il faut rompre l'isolement du collaborateur ou de la collaboratrice victime d'une rupture abusive ou encore de conditions déplorables de collaboration.

Il n'est pas simple dans cette situation de prendre du recul ou encore de s'entourer des compétences nécessaires.

Le groupement national de défense des collaborateurs permettra à chaque collaborateur en difficulté d'être épaulé par un confrère rompu et formé, dont la première des qualités sera d'être extérieur au barreau d'appartenance du collaborateur.

En effet, cette volonté de créer un groupement national de défense des collaborateurs est née d'un constat amer : il n'est pas aisé pour le collaborateur de venir se plaindre auprès de son Bâtonnier des errements subis dans le cadre d'une collaboration qui n'a plus de contrat que le nom.

Combien de collaborateurs préfèrent se taire, subir, ou s'enfuir du cabinet qui l'emploie plutôt que de faire valoir ses droits pour lesquels nous nous sommes tant battus.

Combien de collaborateur en difficulté, ont du mal à trouver au sein de leur Barreau des confrères auxquels se confier et prêts à assurer leur défense.

Pour combattre cette sorte d'omerta, cette peur de l'excommunication de celui qui a osé parler, qui, croit-il le privera de toute chance d'intégrer un nouveau cabinet dans le même barreau, il est nécessaire de rassurer, de prendre en charge et de défendre les collaborateurs.

Cette mission est naturellement la nôtre.

J'ai demandé à Yannick SALA, fort de l'expérience parisienne, de mettre en place cette nouvelle structure qui nécessitera pour chacun de ses participants une formation spécifique.

J'en appelle notamment à nos membres d'honneur et aux Présidents des UJA pour qu'ils relayent ce projet et accompagnent le lien nécessaire entre le collaborateur et le groupement de défense des collaborateurs.

Cette défense désintéressée et passionnée sera l'honneur de notre fédération, de nos UJA.


2)- Les nouvelles technologies.

Elles sont à la fois source de nouveaux champs d'activités, et de bouleversement de nos pratiques. Elles doivent nous amener à imaginer différemment de nouvelles formes d'exercice de la profession d'avocat, à réfléchir, sur l'avocat virtuel, le barreau numérique, la protection du secret professionnel.

Il ne s'agit pas de s'adapter aux nouvelles technologies, ni même comme trop souvent nous le voyons au gré des réformes de la justice d'en user à des fins uniquement budgétaires, ce qui a pour effet d'éloigner un peu plus les justiciables et leurs avocats du juge, mais de s'en saisir parce qu'elles ouvrent l'ère de la communication, parce que par nature elles offrent une nouvelle place à l'avocat.


3)- la solidarité transgénérationnelle.

Si nos anciens peuvent profiter et cela est bien normal, du seul système de retraite bénéficiaire en France, au-delà du vernis, les discours, le regard et les aspirations des institutions à l'égard la jeunesse du barreau, ont manifestement changé.

Lorsque ici ou là, on nous explique doctement que de jeunes avocats dont on ne sait que faire peuvent être mis au service de l'Etat,

Lorsque là ou ici on réfléchit au financement de la formation de nos futurs confrères sans bourse délier pour les plus anciens,

Lorsque ici et là on fixe les cotisations ordinales per capita sans considération ni des revenus ni de l'ancienneté des confrères,

Lorsque là et ici on impose au collaborateur le paiement d'une assurance responsabilité civile professionnelle sur le chiffre d'affaires de sa rétrocession,

Alors, me semble-t-il, on porte atteinte à l'un des principes jusqu'ici respecté de notre profession: la solidarité entre les générations.

La nouvelle garde à vue que nous avons appelée de nos vœux en est un exemple topique.


Si les jeunes avocats se sont mobilisés pour cette réforme c'est parce qu'ils estiment que leur place est aux côtés des justiciables, partout où ils sont en difficulté, partout où ils ont besoin du soutien et des conseils d'un professionnel du droit.

C'est pour l'essentiel grâce aux jeunes avocats que de jour comme de nuit, partout en France, victimes ou mis en cause ont le droit d'être assistés, de se taire, d'être conseillés et même ont gagné le droit d'être vouvoyés.

Cette révolution judiciaire qui fait encore l'objet de résistance archaïque issue d'une loi à peine promulguée, déjà dépassée, n'a pu se faire et ne pourra prospérer que par la volonté des jeunes avocats.

Au regard de cette évidence, nous ne pouvons admettre que certains barreaux puissent priver les jeunes avocats d'un droit de suite, ou pire ne l'offrir que de manière discrétionnaire.


Priver les jeunes avocats de la possibilité de mener à bien la défense de leurs clients, des geôles de garde à vue à la lumière de la salle d'audience, conduit d'une part priver le justiciable, du bénéfice d'une défense effective à chaque stade de la procédure pénale, et d'autre part à porter atteinte au principe du libre choix de l'avocat.


4°) Au delà de ces 3 thèmes prioritaires demeureront les interrogations de toujours, c'est-à-dire celles de tous les jours.

- Et au premier rang, l'aide juridictionnelle.

Une fois de plus notre profession n'ai pas trouvé meilleure revendication pour le paiement des prestations de l'avocat en garde à vue, qu'un forfait d'intervention de surcroit non indexé.

C'est une aberration.

Nous devons convaincre encore et encore qu'une juste rémunération de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle ne peut se concevoir qu'avec l'avènement d'un taux horaire, avec un abattement de solidarité.


Alors qu'il nous avait été opposé pendant des années une impossibilité budgétaire, et qu'il était hors de question qu'un financement complémentaire de l'aide juridictionnelle puisse se faire par une nouvelle taxe, le gouvernement n'a pas hésité à y recourir pour financer le départ des avoués, puis dans la dernière loi de finances rectificative le volet aide juridictionnelle de la garde à vue.

Nous n'y sommes pas par principe opposés sauf à en ouvrir l'assiette à tous les actes juridiques, et pas aux seuls actes juridictionnels, seule voie possible à la constitution d'un véritable fonds dédié à l'aide légale et à l'accès au droit.

Ce qui nous était formellement signifié comme une illusion depuis maintenant 10 années, peut aujourd'hui être fait.

Le financement de l'aide juridictionnelle par un mode alternatif ou complémentaire est possible. Il nous appartient maintenant de proposer une véritable refonte de ce système. Nous voulons un véritable accès au droit pour tous, il n'est pas question que les avocats des pauvres soient de pauvres avocats.

Bien sûr qu'il s'agit d'un combat difficile. Mais les seules batailles que nous avons perdues sont celles que nous n'avons pas menées.

Les jeunes avocats ne sont pas prêts de déserter.

Chacun à droit aux conseils de son avocat, chacun à droit à accéder au droit. C'est bien là le premier champ d'activité de l'avocat.

Au titre des droits fondamentaux, s'il nous reste encore à tailler en pièces la loi sur la garde à vue en ses dispositions contraire à la CEDH, nous devons maintenant investir le champ de l'audience.

Il est tout de même extraordinaire de s'apercevoir que ce n'est qu'au détour d'une histoire américaine que nos politiques ont découvert l'état dans lequel les prévenus comparaissaient devant leur juge.

Avec un peu de chance, s'ils étaient passés de leur téléviseur au Tribunal de leur circonscription, ils auraient pu découvrir, en comparution immédiate des prévenus usés par les geôles puantes des commissariats et des palais de justice comparaissant, face à un juge qui a déjà pris connaissance du dossier et un procureur élevé par la magie d'une erreur de menuisier du parquet au siège.

Tel est le quotidien de nos concitoyens. Ce n'est pas l'Amérique ! Ce n'est pas non plus le PEROU!


A l'instar des efforts conjugués cette année du Président de la Commission Pénale, Jean-Baptiste GAVIGNET et de notre secrétaire général adjoint Matthieu Dulucq il nous faut préparer la riposte devant les juridictions bien sûr, mais aussi auprès des pouvoirs publics et de la direction générale Justice de l'Union Européenne.


- Et puis l'exercice professionnel.

Nous avons dépassé depuis longtemps le clivage du conseil et du contentieux,

nous savons mieux que d'autres combien l'un se nourrit en réalité de l'autre et inversement;

nous savons :

que nos cabinets sont à la fois des sanctuaires et des entreprises;

que nous sommes par nos compétences les titulaires naturels de tous les mandats qu'ils soient par exemple immobilier ou d'agent sportif;

que nous sommes prêts à investir tous les champs des possibles,

que nous sommes : Avocats.

Cette qualité, est une exigence qui ne souffre aucune compromission.

Elle fait notre identité et nous différencie de tout autre acteur. Il ne peut y avoir qu'une seule déontologie et qu'un seul secret.

A la différence des juristes d'entreprises dont je ne remets ici nullement en doute les compétences techniques, nous savons nous que le secret professionnel n'est pas un droit mais une obligation, qu'il n'est ni privilège, ni propriété de l'avocat. Il n'existe que parce qu'il est le garant de l'indépendance du conseil et de la défense de l'avocat pour son client, parce qu'il est nécessaire à l'instauration du lien de confiance.

C'est pourquoi, la FNUJA s'est toujours opposé à toute forme de fusion avec les juristes d'entreprise, fut-elle habillée par PRADA. Transiger sur ce point serait à court ou moyen terme dévastateur, l'avènement d'un secret morcelé, qui par définition ne serait plus absolu contaminerai toute notre profession et en première ligne celles et ceux qui principalement conseils les entreprises.

Si un jour notre lieu d'exercice est l'entreprise, nous y serons avocat, ou alors nous n'y serons pas.


- La FNUJA

Je n'oublie évidemment pas que cette année est une année de campagne électorale.

Nationale, d'abord. Notre syndicat apolitique a naturellement vocation à interroger tout candidat républicain sur ses aspirations sur la justice de notre pays et la place de l'avocat dans la cité.

Ensemble nous mettrons au point un questionnaire à destination des candidats à la présidence de la République dont l'objectif premier sera bien évidemment de faire peser sur le débat public notre vision de la justice et de l'avocat de demain.

Les élections professionnelles ensuite.

Le CNB se renouvelle pour trois ans.

Nous ne pouvons être absents de cette institution sauf à admettre qu'un CNB sans la FNUJA puisse normalement fonctionner en l'absence en son sein des idées et des aspirations des jeunes avocats composant la moitié de la profession.

Permettez-moi ici de saluer le travail remarquable de nos élus depuis quasiment trois ans :

 Jean Christophe, Richard, Karine, Agnès, Jean-François, Lionel, Laurence, Barbara, Estelle et toi Romain.

Merci pour votre engagement, merci d'avoir su faire porter la voix des jeunes avocats au sein du CNB.

Le CNB: cet enfant que nous avons porté à bout de bras, décrié pendant son adolescence, a aujourd'hui atteint sa majorité.

Il est maintenant temps de lui offrir son indépendance.

Tel est le projet de la FNUJA qui, loin d'une vision administrative de la profession, qui consisterait à créer un millefeuille institutionnel composé de strates politiques régionales, aspire a une idée assez ancienne mais toujours révolutionnaire, le suffrage universel.

Un avocat : trois voix ! Tel est notre crédo : une voix pour le collège général, une voix pour le collège ordinal, une voix pour le Président du CNB

Ce n'est que par cette réforme que nous aboutirons à l'avènement d'un exécutif fort et légitime face à une assemblée représentative qui ne le sera pas moins.

Il faut rompre avec le temps des campagnes à petits fours à destination de quelques électeurs pour ouvrir le champ du débat à l'ensemble des avocats.

Ce n'est que par l'élection par le suffrage universel du Président du CNB élu sur la base d'une profession de foi que chaque avocat pourra enfin se reconnaître dans son institution représentative de la profession.

Dans cette perspective, entrons en campagne pour soutenir celles et ceux qui seront nos candidats sur les collèges Paris et province.

Dans cette logique nous ferons élire des représentants tant sur le collège général que sur le collège ordinal.

Notre fédération a rendez-vous avec le CNB le 6 décembre.

Elle est, et demeurera à cette date le 1er Syndicat d'avocats en France.

J'en ai la conviction, j'en ai la volonté

Ensemble nous y parviendrons.

Je n'ai qu'un seul désir, c'est que notre Fédération fasse, aujourd'hui comme demain la démonstration :

De la jeunesse de son talent, du talent de sa jeunesse.



Stéphane DHONTE