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Clarification des règles de rupture de contrat de collaboration

Vendredi 7 Juin 2024

Par son arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation a apporté une clarification importante sur les modalités de rupture du contrat de collaboration libérale pendant la période d’essai (Cass. 1ère civ. 15 mai 2024, pourvoi n°22-24.739). La Première Chambre civile a jugé que les règles applicables en matière de protection du collaborateur libérale pendant une période d’indisponibilité pour raison de santé médicalement constatée s’appliquent également durant la période d’essai.

Un cabinet et un avocat avaient conclu un contrat de collaboration libérale, lequel prévoyait une période d’essai de trois mois. Pendant cette période d’essai, alors qu’il était en arrêt maladie, ce nouveau collaborateur a reçu une notification de rupture de la période d’essai par lettre recommandée avec accusé de réception, invoquant un manquement grave et flagrant aux règles professionnelles. Cette rupture devait être confirmée et la tentative de conciliation initiée a échoué.

Le bâtonnier, en sa qualité d’arbitre, a statué sur la rupture du contrat de collaboration et a conclu que la rupture, survenue pendant la période d'essai, ne pouvait intervenir pendant la période d'indisponibilité pour cause de maladie.

Selon lui, le cabinet ne reprenait ce droit de rompre le contrat qu’à l'issue de cette période d'indisponibilité.

Saisi par le collaborateur, la Cour d’appel (CA PAU, 29 nov. 2022, n° 22/04198), rappelant que « la période d’essai, qui a pour but de permettre aux parties au contrat d’apprécier la pertinence de leur collaboration, a pour point de départ le jour du début effectif de l’activité du collaborateur », a mentionné le texte de l’article 14.4.2 du RIN pour retenir que « cette disposition a vocation à s’appliquer à la rupture décidée en période d’essai ».

Le cabinet reprochait à cet arrêt de retenir que la rupture ne pouvait intervenir pendant la période d’indisponibilité pour cause de maladie de son collaborateur, estimant que « les règles relatives à la rupture du contrat de collaboration ne sont en principe pas applicables durant la période d’essai ».

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, considérant le moyen invoqué comme infondé, et confirmant par la même la décision attaquée (Cass. 1ère civ. 15 mai 2024).

Si tant est qu’il était nécessaire de rappeler cette règle, la Première Chambre civile apporte une clarification bienvenue dans un domaine où l’incertitude juridique pouvait prévaloir. En précisant que l’article 14.4.2 du RIN s’applique aussi durant la période d’essai, la Cour de cassation élimine toute ambiguïté et offre une interprétation claire des dispositions applicables. Cette décision permet aux avocats, qu’ils soient collaborateurs ou cabinet d’accueil, de mieux comprendre leurs droits et obligations respectifs.

Bien qu'elle puisse sembler être une avancée, cette décision est avant tout une application du bon sens au regard des principes de la profession d'avocat, notamment la délicatesse et la confraternité. En étendant la protection contre la rupture pour raison de santé à la période d’essai, la Cour garantit que les jeunes collaborateurs libéraux, souvent plus vulnérables pendant leurs débuts professionnels, bénéficient des mêmes droits en matière de protection contre les ruptures abusives de contrat que leurs confrères plus établis.

Enfin, la Cour profite de cette décision pour définir le manquement grave aux règles professionnelles qui peut justifier que la protection de l’article 14.4.2 soit écartée. En effet, la Première Chambre retient que constitue un manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé au sens de cet article, « toute méconnaissance par l'avocat des obligations légales, réglementaires ou contractuelles, qui porte atteinte aux principes essentiels de la profession ». Ne sont pas constitutifs de tel manquement des absences, un défaut de collaboration aux activités du cabinet à temps complet, un manque de travail et un défaut de compte-rendu des dossiers durant une semaine. De même, une carence non établie dans la défense des intérêts de clients, ou encore des incidents isolés tels qu'un défaut de respect des délais de procédure qui affecte l'obligation de diligence, mais qui a pu être réparé ne sauraient justifier une rupture pendant la période d'indisponibilité pour cause de maladie.

On relèvera enfin que cette décision est rendue au visa de l’ancien article 14 du RIN, lequel a été entièrement refondu (DCN n° 2023-004, AG du CNB du 07-12-2023 – Décision du 07-12-2023 publiée au JO du 03-05-2024). À l’image de ce travail d’ampleur initié sous la précédente mandature du Conseil national des Barreaux, cette décision répond à un besoin pressant de clarification des règles applicables en matière de collaboration, où les incertitudes juridiques peuvent prévaloir.

Mickael Amas-Forcioli – Co-président de la commission collaboration

Florian MICHEL