Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 10
avril 2008, a fait droit au recours de la profession d’avocat en
annulant partiellement le décret du 26 juin 2006 pris en application
de la loi du 11 février 2004 transposant la deuxième directive
blanchiment du 4 décembre 2001.
Il a fait prévaloir le respect du secret
professionnel que l’avocat doit à son client sur les obligations
imposées aux avocats par le dispositif européen de lutte contre le
blanchiment de capitaux.
En premier lieu, il censure la disposition
prévoyant que Tracfin pouvait directement demander à l’avocat de lui
communiquer des informations sans mettre en œuvre le filtre du
bâtonnier (article R. 562-2-2 CMF). Le Conseil d’Etat conforte donc
le rôle du bâtonnier et protège la relation de confiance entre
l’avocat et son client.
En second lieu, il annule la disposition du décret
du 26 juin 2006 qui compromettait le respect du secret professionnel
dans le cadre d’une consultation juridique (article R. 563-4
CMF).
Le Conseil d’Etat a jugé que la directive du 4
décembre 2001 devait être interprétée comme obligeant les États à
exonérer les avocats des obligations de vigilance et déclaratives
qu’elle prévoit lorsqu’ils exercent leurs missions de conseil ou de
consultation juridique ainsi que de défense et de représentation en
justice qui sont couvertes par le secret professionnel.
Pour autant, lorsque l’avocat prend lui-même part à
des activités de blanchiment de capitaux et lorsque sa consultation
juridique est fournie à des fins de blanchiment ou qu’il sait que
son client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de
blanchiment, les dispositions de la directive du 4 décembre 2001
continueront à s’appliquer. Ces dispositions n’étaient pas
contestées.
Cet arrêt, qui fait application des principes
européens, est fondamental en ce qu’il définit la portée du secret
professionnel de l’avocat en tant que droit absolu de chaque
citoyen.
Il fait prévaloir le secret professionnel sur les
obligations liées à la lutte contre le blanchiment dans le cadre des
activités de consultation juridique et de représentation en justice
de l’avocat.
Le Conseil National des Barreaux, à l’occasion du
vade-mecum publié en septembre 2007 qui donne des conseils de
vigilance et de procédures internes destinés à prévenir
l’utilisation de la profession d’avocat aux fins de blanchiment,
avait pris le risque d’anticiper cette interprétation qui est donc
validée par le Conseil d’Etat.
Le législateur, lors de la transposition de la
troisième directive blanchiment du 26 octobre 2005, devra tenir
compte des principes fondamentaux rappelés par la décision du
Conseil d’Etat du 10 avril 2008.
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