Monsieur le
président
Mesdames, messieurs,
Le rendez vous de l’assemblée générale du Conseil national des
barreaux est pour le garde des sceaux l’un des temps les plus importants
de l’année. C’est pour moi l’occasion de rencontrer tous les
représentants de la profession d’avocat et de vous dire, collectivement
et individuellement, mon estime.
Je me réjouis donc, Monsieur le Président, d’être une fois
encore parmi vous et d’une manière plus générale, des échanges fréquents
noués entre la chancellerie et le Conseil national des
barreaux.
Les thèmes de vos diverses tables rondes sont vastes et
recoupent pour l’essentiel vos préoccupations actuelles, qu’elles soient
de nature professionnelle ou plus largement fondées sur les importantes
réformes que le ministère de la justice a engagé dans le domaine pénal
ou civil depuis quatre ans.
Le Doyen Vedel aimait à dire qu’il était « professeur de droit,
donc en charge de sciences expérimentales ». Je suis persuadé que c’est
de l’expérience partagée des avocats, des magistrats et de tous les
acteurs de la Justice que naît l’équilibre juridique de notre société.
Votre Assemblée Générale me permet de faire le point avec vous
sur ces nombreux dossiers, qui vont tous dans le sens d’une
modernisation de notre justice : modernisation de votre statut, tout
d’abord, mais aussi modernisation du code civil et du code pénal et du
droit procédural.
I - Pour commencer, je voudrais souligner que votre
assemblée générale extraordinaire 2006 marque la fin d’un cycle de trois
ans consacré en grande partie à l’adoption et à la mise en œuvre de
la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines
professions judiciaires ou juridiques.
Grâce à un dialogue constant et constructif entre la
Chancellerie et les représentants de votre profession, notamment avec le
CNB, l’ensemble des décrets d’application de cette loi ont été publiés.
Je me félicite de la qualité du travail réglementaire
accompli.
C’est fort de ce résultat que nous pouvons aborder les sujets
statutaires qui légitimement vous tiennent aujourd’hui à cœur, notamment
l’extension des pouvoirs juridictionnels du bâtonnier et le contrôle des
ordres par la Cour des comptes.
En accord avec le Président NATALI et le bâtonnier REPIQUET,
vous avez souhaité, Monsieur le Président, que les pouvoirs
juridictionnels du bâtonnier soient étendus. Une telle réforme
nécessite une intervention du législateur. D’une part, il s’agirait de
modifier l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971, en prévoyant
l’arbitrage obligatoire du bâtonnier pour les litiges nés du contrat de
collaboration libérale, à charge d’appel devant la cour d’appel statuant
en chambre du conseil. D’autre part, il conviendrait de modifier
l’article 21 de la loi en instituant l’arbitrage du bâtonnier, en
l’absence de conciliation, pour les différends entre avocats tenant à
leur exercice professionnel.
Je vous confirme aujourd’hui mon accord sur cette
réforme.
Cette réforme devrait aboutir rapidement, le support législatif
pouvant être le troisième projet de simplification du droit, dit PLS 3,
qui devrait être discuté à l’automne.
Il appartiendra ensuite à un décret en Conseil d’Etat de fixer
les règles de procédure et de compétence territoriale, notamment en cas
de litiges inter-barreaux ou internationaux. C’est ainsi que nous
pourrons aboutir à l’unification souhaitable de toutes les procédures
relatives à l’arbitrage du bâtonnier.
Je souhaite également
évoquer brièvement un certain nombre de mises à jour nécessaires des
textes réglementaires de votre profession.
La première concerne le Conseil National des Barreaux. Celui-ci
a, depuis la loi du 11 février 2004, pour compétence d’unifier « par
voie de dispositions générales les règles et usages de la profession
d’avocat ». C’est sur ce fondement que vous avez adopté l’an dernier un
règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat. Ces
dispositions s’imposent directement à chacun d’entre vous.
Le choix de rares barreaux de refuser d’intégrer dans leur
règlement intérieur les décisions normatives du CNB, suscite parfois des
malentendus ou des contentieux qui pourraient être évités.
C’est pourquoi, afin de remédier à cette situation, je vous
ai proposé de faire publier au Journal officiel de la République
française chacune des décisions normatives du CNB, non seulement en
matière de règles et usages, mais aussi en matière de formation
professionnelle. Cette règle de publicité sera inscrite dans le décret
du 27 novembre 1991. Il s’agira là d’une innovation importante pour
renforcer le CNB et son autorité, ainsi que l’accessibilité des normes
produites par votre institution.
La seconde mise à jour concerne l’intégration à l’article 5 du
décret du 12 juillet 2005, relatif au respect par l’avocat intervenant
en matière pénale de son secret professionnel, de la nouvelle rédaction
du délit prévu et réprimé par l’article 434-7-2 du code pénal, issue de
la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des
infractions pénales.
Je sais combien cette question est sensible. J’ai été heureux
d’y trouver, au pénal, une réponse avec vous. J’en tirerai donc ici les
conséquences et procéderai à la modification du décret de 2005,
conformément à vos vœux.
Avant de clôturer cette première partie de mon intervention, je
souhaite répondre à l’inquiétude dont vous m’avez fait part relative aux
contrôles sur les ordres auxquels la Cour des comptes souhaite
procéder.
La Cour des comptes soutient qu’elle est compétente pour
contrôler les organismes habilités à percevoir des cotisations
légalement obligatoires. Elle ajoute que tel est le cas des barreaux, la
loi du 31 décembre 1971 confiant au conseil de l’ordre la tâche de fixer
le montant des cotisations des avocats.
Face à cette position de la Cour des comptes, plusieurs
arguments peuvent être avancés pour contester sa compétence de contrôle
à l’égard des barreaux. En ce sens, il peut être contesté le caractère «
légalement obligatoire » de vos cotisations. Certains barreaux n’en
perçoivent d’ailleurs pas et d’autres envisagent sa suppression.
Ces éléments sont très importants. Ils renvoient à la nature
même des barreaux qui sont la garantie de l’indépendance des avocats. Je
suis fondamentalement attaché à cette indépendance. Pour ces raisons,
j’ai décidé de saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur la
compétence de la Cour des comptes en la matière.
Cette saisine a interrompu les contrôles de la Cour. Je vous
ferai savoir l’avis de la haute Assemblée dès que celui-ci sera rendu au
dernier trimestre de cette année.
S’agissant maintenant de l’aide juridictionnelle, vous le
savez, Monsieur le Président, j’ai exprimé publiquement mon souhait,
lors de la convention nationale des avocats à Marseille en octobre 2005,
de voir examiner toute proposition de réforme en la matière en
concertation avec votre profession. Dans les semaines suivantes, un
groupe de concertation a été constitué sous l’égide du Secrétaire
général réunissant les représentants du barreau de Paris, de la
conférence des bâtonniers et de la Conférence nationale des
barreaux.
Sans attendre les propositions de ce groupe dont les travaux se
poursuivent, j’ai décidé de soutenir, à l’occasion de la préparation du
PLF 2007, une revalorisation d’au moins 6 % du montant de l’unité de
valeur de référence, ce qui représente a minima un effort financier
de 16,3 millions d’euros en année pleine, alors que le budget du
ministère de la justice ne devrait connaître pour l’année prochaine
qu’une évolution de 5 %.
Cet effort s’inscrit, vous le savez, dans un contexte budgétaire
particulièrement difficile. Ainsi, je ne vous cache pas qu’à l’occasion
des premières conférences budgétaires, mes services se sont vu opposer
une reconduction pure et simple des crédits d’aide juridictionnelle
alloués en 2006 pour l’année 2007.
Malgré de nombreux échanges, au cours desquels nous n’avons pas
manqué de rappeler que la revalorisation proposée constituait une mesure
correctrice essentielle pour compenser l’évolution des prix de 5,5 %
constatée depuis janvier 2004, date de la dernière revalorisation, les
services du ministère des finances n’ont pas infléchi leur position.
J’ai donc saisi le Premier ministre, lequel a finalement
arbitré une revalorisation du montant de l’unité de valeur par une
hausse plancher de 6 %. Et je puis vous assurer que je m’emploierai à
aller au-delà si la conjoncture le permet en cette fin
d’année.
Par ailleurs, j’ai demandé à mes services de procéder à un
important travail d’adaptation des textes relatifs à l’aide juridique,
afin notamment d’étendre le champ de l’aide juridictionnelle aux
missions d’assistance des mineurs poursuivis pour une contravention des
quatre premières classes, ainsi que de permettre la rétribution des
avocats commis d’office au cours des procédures de garde à vue en
Polynésie, en Nouvelle Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. Ces
réformes entreront en vigueur dans les tous prochains mois.
Mais le chantier de l’aide juridictionnelle ne se limite pas à
ces réformes. A l’occasion de la journée d’action du 16 juin dernier,
vous avez exprimé votre inquiétude sur le fonctionnement des bureaux
d’aide juridictionnelle et dénoncé l’allongement des délais de
traitement des demandes d’aide ou de délivrance des attestations de
mission.
Cette inquiétude, je vous l’assure, est partagée par la
Chancellerie et j’ai demandé à mes services de mettre tout en œuvre pour
réduire les délais d’instruction des dossiers d’aide juridictionnelle,
grâce notamment à des redéploiements de personnel et à la mise en place,
dans le courant de l’année 2007 d’un portail électronique permettant la
dématérialisation de l’envoi du formulaire de demande d’aide
juridictionnelle.
L’ensemble de ces mesures n’épuise pas, je le sais, la nécessité
de poursuivre l’œuvre de modernisation du dispositif d’aide
juridictionnelle. Je voudrais néanmoins souligner qu’une réforme
d’ampleur, appelée de vos vœux, ne peut être envisagée qu’en se donnant
le temps de la réflexion. C’est pourquoi, je serai très attentif aux
propositions du groupe de concertation que j’attends d’ici la fin de
l’année.
Vous avez bien voulu indiquer, Monsieur le président, que vous
étiez partisan du rapprochement entre avocats et juristes
d’entreprise.
Tout comme vous, je crois que cette réforme est
nécessaire.
Tous comme vous, je souhaite que la réflexion se poursuive entre
vos deux professions sur le sujet.
L’objectif est de travailler ensemble à une réforme plus
pragmatique permettant d’une part à des avocats, de choisir d’exercer
leur profession en qualité de salarié d’une entreprise, tout en
conservant leur titre, leur statut et leur déontologie, et d’autre part
à des juristes d’entreprises, répondant à des critères objectifs fixés
par la loi, d’intégrer la profession d’avocat, en conservant leur emploi
et leur fonction au sein de leur entreprise.
Mais je le redis ici de manière très claire : il n’y aura pas de
réforme et de rapprochement sans adhésion des professionnels du droit à
un projet clair et consensuel.
La balle est donc dans votre camp !
II- Je voudrai maintenant faire un point sur les réformes
adaptant le droit de fond ou procédural.
Sur l’action de
groupe tout d’abord :
Comme vous le savez, c’est à la demande du Président de la
République que le gouvernement a mis en place un groupe de travail
chargé de réfléchir à une réforme législative permettant de mieux
protéger les consommateurs contre les pratiques abusives observées sur
certains marchés.
Sur cette base, le Gouvernement a élaboré un
projet de loi visant à introduire, dans le code de la consommation, une
nouvelle action en justice, l’action de groupe, en complément des
différentes actions déjà ouvertes aux associations de
consommateurs.
Sans modifier le fond du droit, l’objectif est de favoriser le
traitement de certains litiges, liés à la consommation, d’un faible
montant et d’une nature sérielle. Pour la plupart de ces litiges d’une
faible importance pécuniaire, les consommateurs hésitent à recourir à la
justice : il fallait donc leur offrir un nouvel instrument.
Vous connaissez les grands principes de ce texte, qui a suscité,
je le sais, l’inquiétude de votre profession quant au rôle de l’avocat
dans la nouvelle procédure.
Soyons clair, si l’initiative de l’action est laissée aux
associations agréées, c’est parce qu’elles pourront aisément regrouper
les demandes individuelles éparpillées sur le territoire. Pour autant,
les avocats ne seront pas exclus de la première phase de la procédure,
celle du jugement déclaratoire de responsabilité. Leur ministère sera
obligatoire pour représenter l’association, ainsi que tout consommateur
voulant s’associer à l’action initiée par l’association.
Ce projet de texte vient d’être soumis à la concertation. Je
resterai donc à l’écoute de vos observations.
Je veux également revenir avec vous sur l’assurance de
protection juridique. Je suis convaincu que celle-ci est un
véritable instrument d’accès à la justice des classes moyennes.
Son développement doit être accompagné et règlementé dans
l’intérêt des justiciables.
L’assurance de protection juridique, dont le but est de prendre
en charge la rémunération des experts, les frais d’huissier et les
honoraires d’avocat en cas de litige, sera aussi un moyen pour
convaincre certains de nos concitoyens qui s’en étaient écartés du bien
fondé de la démarche consistant à consulter un avocat pour défendre
leurs intérêts. En garantissant une prise en charge, au moins partielle,
des honoraires, le client franchira d’autant plus facilement la porte du
cabinet d’avocat.
Toutefois, et j’en suis bien conscient, pour qu’il en soit
ainsi, le fonctionnement de l’assurance de protection juridique doit
être amélioré.
C’est dans cette perspective que le ministère de la justice a
pris l’initiative d’une concertation avec l’ensemble des partenaires
concernés.
Sur plusieurs sujets, et notamment la limitation des causes de
déchéance de garantie, ou encore le renforcement du rôle de l’avocat en
phase de pré-contentieux, nous avons beaucoup progressé et des accords
ont pu être trouvés.
Toutefois, des points de divergence subsistent tant sur le choix
de l’avocat par l’assuré que sur celui de la liberté des honoraires.
Sur ces derniers points, je partage entièrement les positions
défendues par votre profession et souhaite éviter que l’assureur
n’oriente systématiquement l’assuré vers les avocats de son réseau afin
de laisser le libre choix à l’assuré.
De même, soucieuse de garantir l’effectivité du principe de
liberté des honoraires, la chancellerie souhaite interdire les accords
sur le montant des honoraires avec les assureurs.
Pour faire aboutir cette réforme, je viens de transmettre
un projet de réforme législative au Premier Ministre. Ce projet est
de nature à permettre un développement de l’assurance de protection
juridique dans le respect des principes qui guident l’exercice de la
profession d’avocat. Soyez convaincu de ma détermination à le faire
aboutir.
Enfin, je veux vous dire ma volonté de faire adopter la
réforme des tutelles. J’ai saisi le Conseil d'Etat de ce projet de
texte attendu de longue date.
L’objectif est de rénover l'ensemble du
dispositif de protection des personnes vulnérables et de l’adapter aux
réalités sociologiques et démographiques actuelles.
Vous le savez, le nouveau texte recentre le régime des
tutelles et curatelles sur les personnes réellement atteintes d'une
altération de leurs facultés personnelles, et ce afin de mieux prendre
en compte les attentes et les besoins spécifiques de chaque personne
concernée. La réforme consacre également la protection de la personne
elle-même et non plus seulement celle de son patrimoine. Elle impose en
conséquence une meilleure prise en compte des droits et de la volonté de
la personne à protéger ainsi que de l'avis et de la place de sa famille
et de ses proches. Cette exigence est notamment affirmée à travers les
nouvelles règles de procédure concernant l'information, la convocation,
l'assistance et l'audition de la personne protégée.
Dans cette optique, le rôle de l'avocat prend toute sa mesure,
notamment à travers le conseil et l'accompagnement des personnes et de
leurs familles, tant dans la compréhension des procédures que dans la
mise en oeuvre des droits de chacun.
De plus, ce texte crée le
mandat de protection future qui permettra à chacun de désigner à
l'avance la personne chargée de le représenter ou de s'occuper de ses
affaires le jour où il n'en serait plus capable lui-même. Là encore, le
savoir-faire et la pédagogie de l'avocat seront précieux dans
l'établissement des mandats de protection future sous seing privé.
Je voudrais enfin vous dire un mot de la promotion du droit
continental, qui fera cet après-midi l’objet d’une table ronde.
Vous savez que ce sujet me tient à cœur, car je crois
sincèrement que les normes juridiques constituent un élément essentiel
de la compétitivité économique.
Nous devons tirer les leçons de ce qui s’est passé sur les
normes comptables et éviter de recommencer les mêmes errements. Je salue
donc l’engagement du CNB en faveur de la Fondation pour la promotion du
droit continental, présidée par M. Henri Lachmann.
J’en viens maintenant au projet de réforme de la justice
pénale.
Les dramatiques dysfonctionnements de l’institution judiciaire
lors de l’affaire d’Outreau ont mis en évidence la nécessité d’améliorer
de façon substantielle le déroulement de notre procédure pénale.
Comme vous l’avez rappelez, Monsieur le Président, le calendrier
parlementaire et l’absence de consensus sur son contenu ne nous permet
pas de procéder dès maintenant à une réforme d’une aussi grande ampleur
que celle préconisée par certains, et notamment par le rapport de la
commission d’enquête de l’Assemblée nationale.
Il demeure que des modifications très significatives peuvent
être réalisées sans tarder, afin de supprimer les causes les plus
flagrantes de ces dysfonctionnements et de faire progresser notre
procédure.
Conformément aux demandes du Président de la République, j’ai
préparé un projet de loi qui permet de renforcer sensiblement les droits
de la défense et les garanties du citoyen à toutes les étapes de la
procédure.
Le rôle de l’avocat y sera essentiel, car on ne peut vouloir
limiter les erreurs judiciaires sans renforcer la place de l’avocat dans
la procédure pénale. Cette conviction, nous devons, ensemble, la
transcrire dans le marbre de la loi.
Ainsi, comme cela existe dans de nombreux pays étrangers, les
interrogatoires des personnes placées en garde à vue feront l’objet d’un
enregistrement audiovisuel.
Le même souci de transparence m’a conduit à prévoir un tel
enregistrement pour les interrogatoires réalisés par le juge
d’instruction, même si, il faut bien en convenir, la situation est un
peu différente.
Il ne s’agit pas d’un acte de défiance vis-à-vis des enquêteurs
ou des magistrats, mais d’une volonté de sécuriser les actes accomplis
dans les affaires les plus graves en permettant, en cas de contestation,
le visionnage des enregistrements.
Afin d’éviter les détentions provisoires injustifiées, je
propose de restreindre les conditions d’utilisation du critère d’ordre
public, qui ne pourra désormais être pris en compte en matière
correctionnelle que pour le placement initial en détention, et non pour
la prolongation ou le maintien de celle-ci.
L’assistance d’un avocat lors du débat préalable au placement en
détention provisoire sera obligatoire et ce débat sera public, sauf
opposition du parquet ou du mis en examen, dans certains cas
limitativement énumérés. Afin de favoriser le recours au contrôle
judiciaire, le juge des libertés et de la détention pourra différer le
débat préalable de quatre jours pour vérifier les éléments susceptibles
de permettre une telle mesure.
Enfin, lorsqu’une personne est placée en détention provisoire,
le président de la chambre de l’instruction pourra tous les six mois, à
la demande des parties ou du ministère public, organiser une audience
publique sur l’ensemble de la procédure. Cette audience sera l’occasion
pour la chambre de l’instruction d’examiner de manière exhaustive une
affaire, ce qui n’est pas possible actuellement. J’ajoute que j’ai
souhaité « professionnaliser » les chambres de l’instruction en
prévoyant dans chaque cour la présence d’assesseurs
permanents.
Je souhaite également renforcer le caractère contradictoire de
l’instruction, en donnant la possibilité à la personne mise en examen de
contester celle-ci tous les six mois et après chaque notification
d’expertise ou interrogatoire, alors qu’actuellement, comme vous le
savez, c’est impossible après les six premiers mois. Le mis en examen
pourra également demander des confrontations individuelles, qui ont
cruellement manqué dans l’affaire d’Outreau.
Il me semble également important de renforcer le caractère
contradictoire des expertises, en reprenant plusieurs points évoqués
dans le cadre du groupe de travail Chancellerie-avocats mis en place il
y a un peu plus d’un an : information des parties de la décision du juge
ordonnant une expertise, possibilité de désigner un co-expert de leur
choix.
Enfin,-et c’est une mesure à laquelle je tiens beaucoup-, je
souhaite que le règlement des informations soit plus contradictoire : le
juge devra désormais statuer au vu des réquisitions du parquet et des
observations des parties qui, chacun, auront pu répliquer à ces
réquisitions ou observations et l’ordonnance de règlement précisera les
éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes
mises en examen
J’en viens maintenant à une mesure que je sais chez
vous moins consensuelle, mais qui donne des garanties supplémentaires
aux justiciable: les pôles de l’instruction.
Dénoncée depuis longues années, la solitude du juge
d’instruction a été l’une des causes de l’affaire Outreau.
Pour mettre fin à cette solitude, je propose que les affaires
criminelles et les affaires correctionnelles les plus complexes, qui
donnent lieu à une co-saisine, soient instruites au sein d’un pôle de
l’instruction.
Afin de tenir compte des observations formulées par certains
d’entre vous, j’ai renoncé à renvoyer l’ensemble des informations aux
pôles. Les affaires correctionnelles simples, ne donnant pas lieu à
co-saisine, resteront instruites par le juge territorialement compétent
et tous les tribunaux de grande instance conserveront donc un juge
d’instruction.
Je précise en outre que, quelque soit l’endroit où
l’affaire est instruite, elle sera jugée par la juridiction
territorialement compétente.
Ces pôles permettront de favoriser le recours à la cosaisine,
puisque le président de la chambre de l’instruction pourra, d’office ou
à la demande des parties ou de leur avocat, imposer une cosaisine au
magistrat instructeur initialement saisi.
Pour accompagner cette réforme, je souhaite qu’une majoration de
la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle soit
appliquée pour permettre la prise en charge des frais de déplacement
supplémentaires supportés par les avocats pour se rendre dans les pôles
de l’instruction.
Par ailleurs, afin d’assurer une plus grande fluidité dans le
déroulement des procédures pénales et un accès en temps réel aux
dossiers, tant pour les magistrats que pour les avocats, j’ai décidé de
faire de la numérisation des procédures pénales un des chantiers majeurs
du ministère de la justice. J’ai donc chargé le secrétaire général, en
concertation étroite avec toutes les directions de mon ministère
concerné, d’assurer la conduite de ce projet. D’ici la fin d’année, une
trentaine de tribunaux de grande instance seront choisis pour mettre en
œuvre cette numérisation, dont les modalités pratiques seront définies
dans le cadre de comités de pilotage associant les avocats.
Les dispositions de ce projet de loi constituent une étape
essentielle dans le rééquilibrage de notre procédure pénale, qui est le
seul à même d’assurer l’efficacité de la justice en ce qu’elle doit
permettre de confondre et de condamner les coupables, tout en évitant de
mettre en cause injustement les innocents.
Elles renforcent le rôle de l’avocat et donnent aux droits de la
défense la place qui doit être la sienne dans une procédure pénale
moderne, respectueuse de la convention européenne des droits de
l’homme.
Elles permettront à l’institution judiciaire d’intervenir de
façon plus transparente et mieux comprise des justiciables, en examinant
de façon plus complète et plus approfondie les procédures qui lui sont
soumises.
Cette réforme, complétée celles portant sur le Conseil supérieur
de la magistrature, la responsabilité des magistrats et le Médiateur,
permettra de poser les premières pierres des conditions d’un
rétablissement durable du lien de confiance devant exister entre les
citoyens et leur justice.
Cette confiance en la justice est indissociable de la confiance
envers les avocats qui la servent.
Je veux vous redire, ici solennellement, Monsieur le président,
mesdames, messieurs, toute ma confiance et toute mon estime.
Je vous remercie.