"Welcome" de Philippe LIORET : une polémique ; une occasion de faire le point (assistance aux étrangers en situation irrégulière)

Lundi 16 Mars 2009

A l’heure de l’évocation d’une retenue judiciaire et d’une instruction parquetière, Philippe Lioret, réalisateur du film « Welcome » vient nous rappeler que l’inflation du pouvoir policier est déjà chose acquise en matière de lutte contre le séjour irrégulier.

Identifié l’ennemi de la nation : le migrant sans papiers… Mais comme tout bon délinquant, il doit bien avoir un complice !

Et pour faire appliquer le droit des étrangers, toujours plus strict et répressif, tous les moyens sont bons. Quitte à stigmatiser et même poursuivre les fameux « délinquants de la solidarité » menés et représentés en premier lieu par le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés).

Quid du droit positif sur cette question polémique ?


L’article L 622-1 du nouveau Code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (dit CESEDA) dispose que : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros. », des peines complémentaires étant prévus au tiret 4 du même article (suspension du permis de conduire, interdiction d’exercer l’activité sociale ou professionnelle à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise…).

Déjà présente dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui régissait la matière avant la codification au sein du CESEDA, cette disposition a été maintes fois remaniée vers toujours plus de sévérité dans les peines encourues et un champs d’application élargi : 1972, 1976, 1991, 1994...

Arrêtons-nous quelques instants sur 1994 et sa loi du 27 décembre : afin de se mettre en conformité avec la convention de Schengen qui prévoyait bien que devait être réprimée spécifiquement l’aide à des fins lucratives, le gouvernement s’affranchira de cette limite jouant, pour changer, sur la corde déjà bien usée du terrorisme et des possibles infiltrations de réseaux. Un bel argument pour contrevenir au droit européen et ainsi dépasser l’objectif de sanction du passeur et non du simple citoyen qui tente d’agir avec conscience !

Enfin, pour parfaire cette évolution textuelle : la loi du 26 novembre 2003, dite loi Sarkozy. Là encore il était, entre autres, question de mettre le dispositif juridique français en conformité avec la législation européenne et plus exactement assurer la transposition de la directive du 28 novembre 2002. Pas de chance, encore un oubli ! Le législateur français a définitivement du mal avec les exigences bruxelloises... A nouveau, la mention « à but lucratif » devait apparaître dans le texte répressif et il était laissé aux Etats la possibilité d’introduire une disposition qui évitait de poursuivre l’infraction en question lorsqu’elle avait « pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée ». Mais l’exécutif est clair sur ce point : pas question de poser des exceptions à la sanction susceptibles d’entraver l’efficacité du dispositif répressif… et par la même prendre en compte les circonstances du délit ? Ah non, certainement pas ! Depuis quand Beccaria et ses principes plus de deux fois centenaires ont-t-il droit de cité au Parlement ?

Quant aux immunités sensées protéger les familles et les associations, les faits parlent d’eux-mêmes : placement en garde à vue d’un membre de la communauté Emmaüs pour avoir refuser de coopérer avec les services de police venus mettre à exécution un arrêté de reconduite à la frontière, d’un directeur de foyer Sonacotra pour avoir hébergé des personnes en situation irrégulière…

Napoléon aurait souligné la qualité de ce dispositif législatif, il l’aurait trouvé tout à son goût : court et obscur, laissant toute latitude d’interprétation à ceux chargés de l’appliquer...


Julie MAIRE
UJA de LYON
Déléguée nationale Elève-avocat

Massimo BUCALOSSI