Interview de Thomas HERIN-AMABILE, avocat au barreau de Toulouse :
Maître Thomas HERIN-AMABILE a été confronté à la nouvelle procédure de la garde vue.
Il a assisté plusieurs gardés à vue dans différents endroits : commissariat central de Toulouse ainsi que gendarmeries et commissariats extérieurs.
Qu’avez-vous pensé de la mise en place de la nouvelle procédure de garde à vue ?
Une des premières difficultés à laquelle j’ai été confronté lors de ces permanences de garde à vue, c’est lorsque l’on était appelé pour assister plusieurs gardés à vue dans la même affaire.
Auparavant il s’agissait d’un entretien préalable sur lequel on se suffisait à expliquer à la personne gardée à vue comment allait se dérouler la procédure et ce qui risquait de lui arriver, or maintenant il faut directement commencer à préparer une défense.
La question s’est vite posée de savoir si on ne rentrait pas en conflit d’intérêts avec les différentes personnes gardées à vue, pour peu qu’elles n’aient pas la même version des faits et qu’elles commencent à se rejeter la faute l’une sur l’autre.
Il m’est donc apparu comme première nécessité d’avoir un avocat par personne gardée à vue dans une même affaire pour éviter ce genre de problème. Si l’on commence à préparer une défense, dès le nouvel entretien préalable, il faut pouvoir la préparer efficacement. Or si l’on se rend compte avec la deuxième personne au cours du deuxième entretien préalable, que les versions ne sont pas les mêmes, il n’est pas possible de revenir vers la première personne pour avoir un autre entretien avec elle, pour se mettre au point et préparer une défense efficace.
Je pense que l’un des grands problèmes de cette réforme est de pouvoir vraiment avoir une défense efficace et pouvoir l’exercer dès les premières minutes de la garde à vue.
En cas de conflit entre les deux versions empêchant que l’avocat assistent les deux gardés à vue et qu’il doive dès lors se désister pour l’un d’eux, ce dernier n’aura pas droit à un second entretien préalable avec son nouveau conseil. Ceci est problématique en ce que cela aura nécessairement un impact sur sa défense, le nouvel avocat intervenant directement au stade des interrogatoires sans contact préalable avec son client.
Or, l’avocat n’ayant en pratique pas encore accès au dossier, cet entretien est indispensable pour la construction de la défense du gardé à vue.
Ensuite, d’un point de vue pratique, les gendarmes et les officiers de police judiciaire sont assez coopératifs. Nous nous sommes tous retrouvés confrontés à la mise en œuvre en urgence du nouveau système, nous avons donc tous essayé de nous en sortir ensemble.
Je n’ai pas rencontré de réels problèmes, si ce n’est un officier de police judiciaire dans un commissariat qui a initialement refusé que je pose des questions, prétextant que c’était son rôle et pas le mien. Mais après lui avoir rappelé les termes de la loi, il m’a finalement laissé la possibilité de poser une question. Les choses devraient s’améliorer au fur et à mesure.
Interview de Sophie MASCARAS, secrétaire de l’union des jeunes avocats, avocat au barreau de Toulouse
Que pensez-vous de la mise en place de la nouvelle procédure relative à la garde à vue ?
Au niveau du Barreau de Toulouse, tous les avocats, notamment les jeunes avocats, ont été très sollicités par le barreau, notamment pour l’organisation des permanences. Et ils ont répondus présents.
La mise en place de ces permanences s’est relativement bien passée, avec un système d’avocats suppléants en renfort des titulaires de permanence.
Un changement au niveau du fonctionnement des permanences a également vu le jour. Nous avions avant trois phases pendant lesquelles nous intervenions en garde à vue : un créneau 7h/14h, un créneau 14h/21h et un créneau de nuit, 21h/7h du matin. Désormais, il y a un créneau de jour de 8 h à 20 h et un créneau de nuit de 20 h à 8 h, et ce pour une meilleure fonctionnalité.
Concernant l’accueil des avocats dans les locaux de garde à vue, cela s’est relativement bien passé. Il y a eu un petit flottement lors des premières gardes à vue, notamment sur les documents qui devaient être remis aux avocats ou le délai de 2 heures pendant lequel l’avocat devait être attendu avant que le gardé à vue puisse être auditionné.
Concernant les jeunes avocats collaborateurs, le problème de leur disponibilité se pose vraiment, notamment vis-à-vis des cabinets avec lesquels ils ont une collaboration. Cette problématique a notamment été abordée par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Toulouse, assez peu suivie d’effet par les « patrons » qui voient d’un mauvais œil partir les collaborateurs en garde à vue sans savoir quand ils vont revenir.
Enfin, il faut noter que beaucoup d’avocats se sont désistés des listes de permanence. Quant à ceux qui se sont maintenu, ils n’ont pas encore été payé pour les heures, les journées et les nuits passées à assister les personnes gardées à vue et ce depuis le 15 avril dernier.