Professions Réglementées - Le rapport FERRAND : "Pour une nouvelle jeunesse"

Lundi 3 Novembre 2014

SYNTHESE DU RAPPORT

NE PAS MODERNISER ET NE PAS ADAPTER les professions dites réglementées serait les condamner.

L’excellence des acteurs des professions du droit et de la santé garantit aujourd’hui la sécurité juridique et sanitaire à nos concitoyens par un maillage territorial, certes perfectible, qui offre un accès au droit et à la santé de haut niveau : les stigmatiser n’est pas d’utilité publique.
Le Gouvernement a par conséquent réaffirmé à raison l’exclusivité des missions de certaines catégories d’actes juridiques ou de délivrance de médicaments.
Pour autant, la lucidité oblige à constater que des rigidités se sont installées et perdurent
depuis des décennies sans que l’intérêt général ne les justifie plus.
Dans ce contexte, la mission s’est assurée de la mise en adéquation des nouveaux besoins des territoires avec les exigences de modernisation du cadre juridique des professions concernées.

Cette modernisation appelle un certain nombre de ruptures avec le fonctionnement et l’organisation tels qu’ils existent.
Ainsi, supprimer le droit de présentation au bénéfice d’un concours, c’est préférer à la sécurité dynastique issue de 1816 l’égalité républicaine du XXIème siècle, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens qui dispose : « (…) Tous les Citoyens étant
égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
».
Créer un nombre significatif d’offices et de charges publics c’est permettre l’accès aux jeunes et aux salariés à un exercice indépendant et renforcer le maillage territorial.
Confier à une instance indépendante le soin de fixer le nombre d’offices pour assurer un maillage territorial optimal, c’est rompre avec une forme de cogestion inadaptée.

De même, le modèle économique a développé des singularités et des tendances erratiques consenties par les professionnels comme par les pouvoirs publics que le rapport de l’Inspection générale des finances rendu public en septembre 2014 a relevées à juste titre.
Ce rapport a pu susciter des interrogations, des troubles, voire des angoisses, alors même qu’il ne constatait que des réalités, certes incomplètes, et qui, malgré des polémiques, n’ont d’ailleurs fait l’objet que de contestations partielles.
Ces observations et propositions, réalisées en pure rationalité économique, méritaient d’être complétées par la prise en compte de la réalité des pratiques, de la diversité des territoires et des complexités de métiers différents : tel était également l’objet de la mission.
Or, si la nécessité de réformer certains archaïsmes ou déviances est impérative, l’enjeu ne saurait être de porter atteinte à un écosystème qui fonctionne.
Réformer avec justesse s’impose pour une plus grande efficacité économique et pour plus de justice dans l’accès aux professions et dans la mobilité des services.
Réformer les méthodes et les relations de l’Etat avec ces professionnels s’avère tout autant nécessaire.

Il est patent que les professions concernées, comme les pouvoirs publics, s’accommodent d’un système à certains égards opaque, puisque les premiers organisent en toute logique la rentabilité de leur travail tandis que les seconds mettent à leur charge des tâches et des responsabilités nouvelles, sans s’interroger sur le financement de ces dernières ni même sur leur cohérence globale.

Ce processus a abouti à une illisibilité de la réalité des coûts et de la justification des prix qu’il devient aujourd’hui utile de clarifier.
Les sinuosités réglementaires conduisent à un fonctionnement qui ne facilite pas la mobilité et l’accès des nouvelles générations, en particulier s’agissant des professions réglementées du droit.
Ainsi, la mission a constaté que des professionnels réalisent des prestations à perte ou sous-rémunérées et bénéficient « en échange » d’autres dont la rémunération est trop avantageuse : un nouvel équilibre, rationnel et transparent, doit être trouvé sans annihiler cette forme de péréquation.
C’est pourquoi confier à l’Autorité de la concurrence la mission de donner un avis sur les tarifs garantira la transparence aux citoyens, aux entreprises, et la prise en compte des coûts réels aux professionnels, tout comme leur révision tous les cinq ans permettra des adaptations
régulières.

Les besoins de l’économie moderne comme l’égalité républicaine dans l’accès aux emplois publics appellent à une nouvelle jeunesse de l’ensemble du système, garantie de son avenir.

Réformer n’est pas casser ; réformer c’est en l’espèce revivifier, régénérer.
Conserver l’essence de professions, souvent délégataires de service public, justifie de s’inscrire dans un mouvement progressiste pour en assurer la pérennité. Refuser l’évolution signerait un refus de s’adapter et d’anticiper les défis de l’environnement d’aujourd’hui.
La rationalisation du maillage des pharmacies et la délégation de nouveaux actes aux pharmaciens procèdent par exemple de cette logique, tout comme, pour les professions du droit, la création d’un statut d’administrateur ou de mandataire judiciaires salarié.

Réformer sans casser, c’est optimiser les atouts d’un modèle qui a fait ses preuves et en corriger sans craintes les défauts évidents.
Ouvrir le capital et favoriser l’exercice en commun, dans un cadre interprofessionnel, doivent être encouragés pour développer l’activité et l’innovation des professions.

Ni le statu quo ni le bouleversement radical n’auraient de sens : le premier parce qu’il freinerait les nécessaires adaptations, le second parce qu’il ne serait ni pragmatique ni praticable.

Desserrer les contraintes, « aérer » les professions, permettre l’arrivée de nouvelles pratiques et intégrer les nouvelles générations, fluidifier les règles de l’activité doivent être des objectifs partagés pour un modèle français durable, novateur, garant de l’intérêt général, fier des progrès accomplis et audacieux face à ceux à accomplir.

C’est dans cet esprit que la mission a travaillé, en concertation constructive avec tous ses interlocuteurs, et avance 28 propositions.

Inscrire ces recommandations dans la loi modifiera des pratiques, entrainera des changements d’habitudes, organisera une saine concurrence maitrisée et contribuera à l’activité et à l’égalité des chances économiques.

La mission s’est attachée à entendre et à écouter toutes les parties prenantes et à proposer des réglages fins et exigeants plutôt que des mesures brutales.
Elle a résolument fait le choix de renoncer à l’illusion facile d’annonces tapageuses et de mesures vaines, pour privilégier une réforme en profondeur, gage d’efficience et de changements réels.

Pour une nouvelle jeunesse.



Retrouvez, ci-après, l'intégralité du rapport :


Anne-Lise LEBRETON