Neuf avocats reçus en audience par le Conseil constitutionnel mardi 20 juillet 2010
La garde à vue fait régulièrement l'objet de critiques en France, souvent pour ses chiffres en augmentation... Cette fois-ci, neuf avocats ont décidé de monter au créneau en remettant en cause cette mesure qui ne serait pas conforme aux droits et libertés fondamentales devant la Conseil constitutionnel. Parmi eux, un Dijonnais, Jean-Baptiste Gavignet, président de la commission pénale de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), premier syndicat de la profession. Interviewé par dijOnscOpe, il raconte comment s'est déroulée leur audience devant les Sages du Conseil mardi 20 juillet 2010, tout en expliquant l'objet de leur demande : autoriser la présence des avocats au moment de la garde à vue...
Jean-Baptiste Gavignet, bonjour. Depuis le 1er mars 2010, tout citoyen a le droit de demander au Conseil constitutionnel de déclarer qu'une loi n'est pas conforme à la Constitution : cette saisine porte le nom de "questions prioritaires de constitutionnalité". De nombreux avocats semblent s'être engouffrés dans la brèche...
"Il s'agit d'une petite révolution en droit car c'est quelque chose qui avant était réservé soit aux parlementaires, soit au Premier ministre, soit au président de la République. Lorsque la FNUJA a vu cette réforme, elle a préparé et mis en ligne sur son site des modèles types pour qu'un peu partout en France, des avocats posent le problème de la conformité des règles de garde à vue à la Constitution. Et partout en France, les questions ont été posées par les avocats et ont été déclarées recevables, envoyées dans un premier temps devant la Cour de cassation, qui a regroupé 26 dossiers et renvoyé tout cela devant le Conseil constitutionnel.
Nous avons été nombreux à le faire car je pense que tous les avocats ont un vrai sentiment d'inutilité au moment de la garde à vue. Nous pensons que celle-ci est déséquilibrée et que les droits de la défense n'existent pas. De toute façon, c'est un problème complètement pratique, que j'ai exposé devant les Sages du Conseil constitutionnel... où d'ailleurs nos anciens présidents qui en font partie, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, étaient absents.
Comment s'est déroulée votre audience mardi 20 juillet 2010 devant le Conseil constitutionnel ?
Nous étions neuf avocats à prendre la parole, originaires de Lyon, Paris, Lille, Dijon... Par ailleurs, beaucoup d'autres avocats, dont un représentant du barreau de Paris, sont venus nous soutenir. Nous avons tour à tour développé notre argumentation en expliquant pourquoi, en pratique, juridiquement et philosophiquement, s'imposait la présence de l'avocat durant la garde à vue. Sur l'aspect pratique, nous pensons que nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des personnes qui soient susceptibles d'avouer des faits sans être assistées. Il s'agit bien d'un problème autant humain que juridique. Car il faut savoir qu'en France, vous pouvez être placé 24h en garde à vue sans contrôle aucun. Même si vous n'avez rien fait, même si cela n'était pas justifié, ça ne sera jamais annulé par la suite.
Et pour l'honnête citoyen qui serait mis en cause injustement, et cela arrive, il est difficile de se retrouver dans une cellule de 9m2, dans des conditions qui sont tout de même souvent indignes, cela crée une situation de stress. Vous n'avez plus de chaussures ni de lunettes ni de ceinture ; ça sent mauvais et l'hiver, il fait froid. Ces personnes sont placées dans une situation objective où si elles veulent y mettre un terme rapidement, l'aveu peut apparaître comme une solution. Donc un avocat qui serait présent pourrait apporter une sorte de sécurité juridique. Nous ne sommes pas dans une lutte face aux policiers. Nous voulons simplement nous assurer que la justice, si elle aboutit à une vérité judiciaire, ne soit pas dans le cadre d'une erreur judiciaire. C'est cela l'enjeu. Il n'y aurait sans doute pas eu d'affaire d'Outreau ni d'affaire Patrick Dils s'il y avait eu un avocat présent lors de la garde à vue.
A l'heure actuelle, quelle est la marge de manœuvre d'un avocat en France dont le client est en garde à vue ?
Le régime actuel, c'est trente minutes d'entretien possible avec un avocat par 24h, sans accès au dossier pour l'avocat, sans qu'il puisse contrôler les raisons du placement en garde à vue ni demander un acte d'enquête. Et pour certaines infractions à la législation, sur les stupéfiants par exemple, c'est aucune visite pendant 72h... Cela veut dire trois jours totalement isolé. Lorsqu'on interroge les clients pour savoir pourquoi ils n'ont pas demandé d'avocat en garde à vue, la plupart répondent qu'ils ne voient pas en quoi on leur aurait été utile. Ils nous disent que nous ne servons à rien... Et trop souvent, c'est un sentiment que je partage. En dehors de pouvoir faire constater d'éventuelles irrégularités de procédure, nous ne pouvons pas faire grand-chose.
Concrètement, que proposez-vous pour l'avenir ?
Ce que nous demandons, c'est déjà ce qui est prévu dans le projet de réforme du code de procédure pénale : que le placement en détention provisoire dépende d'un juge indépendant, que ce ne soit plus le procureur. Parce qu'aujourd'hui, c'est la même personne qui va mener l'enquête et décider de la mise en liberté ou non. Cela crée dans l'esprit des gens un lien : "Si j'avoue, je sors" et inversement. Ensuite, nous demandons l'accès par l'avocat au dossier pour d'abord vérifier s'il existe des raisons sérieuses au placement en garde à vue. Et surtout, pour formuler si besoin des demandes d'actes : que des témoins encore non entendus le soient, que des enregistrements vidéos, conservés peu de temps, soient immédiatement placés sous scellés... Il m'est arrivé de constater après coup qu'il existait des enregistrements vidéos dont mon client avait demandé qu'ils soient placés sous scellés mais qui ne l'avaient pas été. A ce moment-là, il était trop tard.
En clair, il s'agit de s'assurer de ce que l'enquête soit également menée à décharge afin de ne pas se retrouver au tribunal et se rendre compte qu'un élément a été oublié... Cet accompagnement juridique serait une possibilité qui serait offerte à la personne gardée à vue. C'est ce que nous appelons le principe de l'égalité des armes, qui est reconnu par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l'homme. Là, nous sommes dans l'argument juridique : si nous donnons du pouvoir au Parquet, il faut en donner à la défense. De plus, la présence de l'avocat est déjà imposée par la Cour européenne des droits de l'homme*.
* Un arrêt en particulier de la Cour européenne des droits de l’homme remet en cause indirectement la procédure de garde à vue en France : il s'agit de l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008, qui concerne la Turquie et réaffirme la nécessité de la présence d’un avocat lors de toute privation de liberté : la Cour indique en effet que "le prévenu peut bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police".
Le Premier ministre, François Fillon, par l'intermédiaire du représentant général du gouvernement, François Séners, a rappelé que le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur la garde à vue en 1993 et 2004, validant sa forme. Si le gouvernement ne semble pas vous soutenir, pensez-vous que le monde judiciaire soit derrière vous ?
Pour ce qui est du Premier ministre, il s'agit d'observations.Celles-ci concernent des éléments de procédure mais il n'a pas été sérieusement soutenu que les libertés fondamentales sont correctement respectées en garde à vue... Pour le reste, je pense que les avocats sont solidaires. Les forces de police, elles, sont inquiètes car elles ne voient pas nécessairement dans le monde des avocats un partenaire et elles ont tort : nous sommes capables de travailler en bonne collaboration. Quant aux juges, il me semble qu'ils attendent une décision qui viendra clarifier les débats car quasiment à chaque audience, les gardes à vue sont remises en cause. Si ce n'est pas pour non respect de la Constitution, c'est pour non-respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il existe ainsi une insécurité juridique qui, je crois, est devenue insupportable pour tout le monde, y compris pour les membres du Parquet.
Le délibéré est au 30 juillet 2010, à 10 heures. Que se passerait-il si le Conseil constitutionnel rendait une décision favorable à votre demande ?
Cela voudrait dire qu'à l'avenir et dans tous les dossiers de questions prioritaires de constitutionnalité où la garde à vue aura été soulevée, des dossiers actuellement en attente, les gardes à vue ne seraient plus valables. Et cela signifie que la France devra se mettre en conformité au niveau de la loi par rapport à la Constitution, en urgence.
Croyez-vous que cela puisse être le cas ?
Nous sommes sur quelque chose de sérieux puisque la Cour de cassation a considéré que la question méritait d'être posée au Conseil constitutionnel, qui à mon sens ne l'avait jamais traitée. Je pense que le Conseil peut imposer la présence d'un avocat mais mon sentiment est qu'il sera un peu réticent à cela, craignant de se voir accuser de devenir législateur à la place de ce dernier. Mais le Conseil peut aussi simplement dire que la loi protège insuffisamment les droits et libertés fondamentales, la censurer à ce titre et demander au législateur, le Parlement, d'envisager une nouvelle loi. Ce serait un point d'équilibre intéressant...
Nous pouvons également noter que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, avait fait savoir en décembre 2009* son admiration pour le doyen Georges Vedel, qui était rapporteur dans l'une des plus importantes décision du Conseil constitutionnel datant de 1981, portant sur la loi sécurité et liberté, et qui fait référence intellectuellement. Dans les délibérations rendues publiques cette année, ce doyen affirmait que si la question de la présence de l'avocat aux côtés de son client lors d'une garde à vue avait été posée, alors le Conseil constitutionnel aurait sanctionné le législateur... Voilà ce qu'il disait en 1980, nous n'avons rien inventé."
* Dans l'édito du bulletin du barreau de Paris datant du 15 décembre 2009, l'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Capitale, Christian Charrière-Bournazel, à l'origine de cette action devant le Conseil constitutionnel, raconte la visite de la Garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, et du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, le 4 décembre 2009 : "La divine surprise vint du président du Conseil constitutionnel. Monsieur Jean-Louis Debré a tenu à citer les propos du doyen Vedel en 1981 : "Il convient de remarquer que la critique valable qui aurait pu être faite (...) eût consisté à dire que la garde à vue viole les droits de la défense parce qu’elle permet qu’un suspect soit interrogé sans l’assistance d’un avocat".
Avec esprit, il a ajouté : "C’était il y a vingt-huit ans, Monsieur le bâtonnier. Vous comprendrez sans peine que je ne puisse me livrer à tout autre commentaire, devoir de réserve oblige, mais on peut constater que le doyen Vedel était en avance sur son temps et on peut se réjouir de constater la pertinence de ses analyses". "La garde à vue viole les droits de défense parce qu’elle permet qu’un suspect soit interrogé sans l’assistance d’un avocat"... Je ne résiste pas au plaisir de le répéter, ni de souligner que le président de la plus haute institution juridictionnelle française, à qui revient de dire si la loi votée par le Parlement est ou non conforme à la Constitution, se réjouit de constater la pertinence de ce propos !"
"Il s'agit d'une petite révolution en droit car c'est quelque chose qui avant était réservé soit aux parlementaires, soit au Premier ministre, soit au président de la République. Lorsque la FNUJA a vu cette réforme, elle a préparé et mis en ligne sur son site des modèles types pour qu'un peu partout en France, des avocats posent le problème de la conformité des règles de garde à vue à la Constitution. Et partout en France, les questions ont été posées par les avocats et ont été déclarées recevables, envoyées dans un premier temps devant la Cour de cassation, qui a regroupé 26 dossiers et renvoyé tout cela devant le Conseil constitutionnel.
Nous avons été nombreux à le faire car je pense que tous les avocats ont un vrai sentiment d'inutilité au moment de la garde à vue. Nous pensons que celle-ci est déséquilibrée et que les droits de la défense n'existent pas. De toute façon, c'est un problème complètement pratique, que j'ai exposé devant les Sages du Conseil constitutionnel... où d'ailleurs nos anciens présidents qui en font partie, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, étaient absents.
Comment s'est déroulée votre audience mardi 20 juillet 2010 devant le Conseil constitutionnel ?
Nous étions neuf avocats à prendre la parole, originaires de Lyon, Paris, Lille, Dijon... Par ailleurs, beaucoup d'autres avocats, dont un représentant du barreau de Paris, sont venus nous soutenir. Nous avons tour à tour développé notre argumentation en expliquant pourquoi, en pratique, juridiquement et philosophiquement, s'imposait la présence de l'avocat durant la garde à vue. Sur l'aspect pratique, nous pensons que nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir des personnes qui soient susceptibles d'avouer des faits sans être assistées. Il s'agit bien d'un problème autant humain que juridique. Car il faut savoir qu'en France, vous pouvez être placé 24h en garde à vue sans contrôle aucun. Même si vous n'avez rien fait, même si cela n'était pas justifié, ça ne sera jamais annulé par la suite.
Et pour l'honnête citoyen qui serait mis en cause injustement, et cela arrive, il est difficile de se retrouver dans une cellule de 9m2, dans des conditions qui sont tout de même souvent indignes, cela crée une situation de stress. Vous n'avez plus de chaussures ni de lunettes ni de ceinture ; ça sent mauvais et l'hiver, il fait froid. Ces personnes sont placées dans une situation objective où si elles veulent y mettre un terme rapidement, l'aveu peut apparaître comme une solution. Donc un avocat qui serait présent pourrait apporter une sorte de sécurité juridique. Nous ne sommes pas dans une lutte face aux policiers. Nous voulons simplement nous assurer que la justice, si elle aboutit à une vérité judiciaire, ne soit pas dans le cadre d'une erreur judiciaire. C'est cela l'enjeu. Il n'y aurait sans doute pas eu d'affaire d'Outreau ni d'affaire Patrick Dils s'il y avait eu un avocat présent lors de la garde à vue.
A l'heure actuelle, quelle est la marge de manœuvre d'un avocat en France dont le client est en garde à vue ?
Le régime actuel, c'est trente minutes d'entretien possible avec un avocat par 24h, sans accès au dossier pour l'avocat, sans qu'il puisse contrôler les raisons du placement en garde à vue ni demander un acte d'enquête. Et pour certaines infractions à la législation, sur les stupéfiants par exemple, c'est aucune visite pendant 72h... Cela veut dire trois jours totalement isolé. Lorsqu'on interroge les clients pour savoir pourquoi ils n'ont pas demandé d'avocat en garde à vue, la plupart répondent qu'ils ne voient pas en quoi on leur aurait été utile. Ils nous disent que nous ne servons à rien... Et trop souvent, c'est un sentiment que je partage. En dehors de pouvoir faire constater d'éventuelles irrégularités de procédure, nous ne pouvons pas faire grand-chose.
Concrètement, que proposez-vous pour l'avenir ?
Ce que nous demandons, c'est déjà ce qui est prévu dans le projet de réforme du code de procédure pénale : que le placement en détention provisoire dépende d'un juge indépendant, que ce ne soit plus le procureur. Parce qu'aujourd'hui, c'est la même personne qui va mener l'enquête et décider de la mise en liberté ou non. Cela crée dans l'esprit des gens un lien : "Si j'avoue, je sors" et inversement. Ensuite, nous demandons l'accès par l'avocat au dossier pour d'abord vérifier s'il existe des raisons sérieuses au placement en garde à vue. Et surtout, pour formuler si besoin des demandes d'actes : que des témoins encore non entendus le soient, que des enregistrements vidéos, conservés peu de temps, soient immédiatement placés sous scellés... Il m'est arrivé de constater après coup qu'il existait des enregistrements vidéos dont mon client avait demandé qu'ils soient placés sous scellés mais qui ne l'avaient pas été. A ce moment-là, il était trop tard.
En clair, il s'agit de s'assurer de ce que l'enquête soit également menée à décharge afin de ne pas se retrouver au tribunal et se rendre compte qu'un élément a été oublié... Cet accompagnement juridique serait une possibilité qui serait offerte à la personne gardée à vue. C'est ce que nous appelons le principe de l'égalité des armes, qui est reconnu par la Cour de cassation et par la Cour européenne des droits de l'homme. Là, nous sommes dans l'argument juridique : si nous donnons du pouvoir au Parquet, il faut en donner à la défense. De plus, la présence de l'avocat est déjà imposée par la Cour européenne des droits de l'homme*.
* Un arrêt en particulier de la Cour européenne des droits de l’homme remet en cause indirectement la procédure de garde à vue en France : il s'agit de l'arrêt Salduz du 27 novembre 2008, qui concerne la Turquie et réaffirme la nécessité de la présence d’un avocat lors de toute privation de liberté : la Cour indique en effet que "le prévenu peut bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police".
Le Premier ministre, François Fillon, par l'intermédiaire du représentant général du gouvernement, François Séners, a rappelé que le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur la garde à vue en 1993 et 2004, validant sa forme. Si le gouvernement ne semble pas vous soutenir, pensez-vous que le monde judiciaire soit derrière vous ?
Pour ce qui est du Premier ministre, il s'agit d'observations.Celles-ci concernent des éléments de procédure mais il n'a pas été sérieusement soutenu que les libertés fondamentales sont correctement respectées en garde à vue... Pour le reste, je pense que les avocats sont solidaires. Les forces de police, elles, sont inquiètes car elles ne voient pas nécessairement dans le monde des avocats un partenaire et elles ont tort : nous sommes capables de travailler en bonne collaboration. Quant aux juges, il me semble qu'ils attendent une décision qui viendra clarifier les débats car quasiment à chaque audience, les gardes à vue sont remises en cause. Si ce n'est pas pour non respect de la Constitution, c'est pour non-respect de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il existe ainsi une insécurité juridique qui, je crois, est devenue insupportable pour tout le monde, y compris pour les membres du Parquet.
Le délibéré est au 30 juillet 2010, à 10 heures. Que se passerait-il si le Conseil constitutionnel rendait une décision favorable à votre demande ?
Cela voudrait dire qu'à l'avenir et dans tous les dossiers de questions prioritaires de constitutionnalité où la garde à vue aura été soulevée, des dossiers actuellement en attente, les gardes à vue ne seraient plus valables. Et cela signifie que la France devra se mettre en conformité au niveau de la loi par rapport à la Constitution, en urgence.
Croyez-vous que cela puisse être le cas ?
Nous sommes sur quelque chose de sérieux puisque la Cour de cassation a considéré que la question méritait d'être posée au Conseil constitutionnel, qui à mon sens ne l'avait jamais traitée. Je pense que le Conseil peut imposer la présence d'un avocat mais mon sentiment est qu'il sera un peu réticent à cela, craignant de se voir accuser de devenir législateur à la place de ce dernier. Mais le Conseil peut aussi simplement dire que la loi protège insuffisamment les droits et libertés fondamentales, la censurer à ce titre et demander au législateur, le Parlement, d'envisager une nouvelle loi. Ce serait un point d'équilibre intéressant...
Nous pouvons également noter que le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, avait fait savoir en décembre 2009* son admiration pour le doyen Georges Vedel, qui était rapporteur dans l'une des plus importantes décision du Conseil constitutionnel datant de 1981, portant sur la loi sécurité et liberté, et qui fait référence intellectuellement. Dans les délibérations rendues publiques cette année, ce doyen affirmait que si la question de la présence de l'avocat aux côtés de son client lors d'une garde à vue avait été posée, alors le Conseil constitutionnel aurait sanctionné le législateur... Voilà ce qu'il disait en 1980, nous n'avons rien inventé."
* Dans l'édito du bulletin du barreau de Paris datant du 15 décembre 2009, l'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Capitale, Christian Charrière-Bournazel, à l'origine de cette action devant le Conseil constitutionnel, raconte la visite de la Garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, et du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, le 4 décembre 2009 : "La divine surprise vint du président du Conseil constitutionnel. Monsieur Jean-Louis Debré a tenu à citer les propos du doyen Vedel en 1981 : "Il convient de remarquer que la critique valable qui aurait pu être faite (...) eût consisté à dire que la garde à vue viole les droits de la défense parce qu’elle permet qu’un suspect soit interrogé sans l’assistance d’un avocat".
Avec esprit, il a ajouté : "C’était il y a vingt-huit ans, Monsieur le bâtonnier. Vous comprendrez sans peine que je ne puisse me livrer à tout autre commentaire, devoir de réserve oblige, mais on peut constater que le doyen Vedel était en avance sur son temps et on peut se réjouir de constater la pertinence de ses analyses". "La garde à vue viole les droits de défense parce qu’elle permet qu’un suspect soit interrogé sans l’assistance d’un avocat"... Je ne résiste pas au plaisir de le répéter, ni de souligner que le président de la plus haute institution juridictionnelle française, à qui revient de dire si la loi votée par le Parlement est ou non conforme à la Constitution, se réjouit de constater la pertinence de ce propos !"