CHARTE INTERNATIONALE DES DROITS DU JEUNE AVOCAT
PRÉAMBULE
Le rôle de l’Avocat est d’assurer la défense des intérêts juridiques de son client. Il est en cela un maillon essentiel de toute société démocratique, au sein de laquelle doivent être garanties les libertés publiques et individuelles.
Les devoirs que s’imposent les Avocats, et qui constituent leur déontologie, ne peuvent se concevoir que si les Avocats bénéficient eux-mêmes de droits et de libertés. C’est pourquoi il revient à tout État d’assurer leur protection.
Une attention toute particulière doit être accordée aux Jeunes Avocats, que la précarité inhérente au début de l’exercice expose davantage aux atteintes aux droits et libertés précités.
Les Jeunes Avocats aspirent à poursuivre les combats menés par leurs prédécesseurs tout en améliorant les conditions d’exercice du droit de la défense. Ils portent en cela les préoccupations générationnelles de leur temps et participent au renouvellement du regard que toute société démocratique porte sur son appréciation des libertés fondamentales.
Les Jeunes Avocats sont spécialement attachés aux valeurs d’entraide et de solidarité les unissant dans l’adversité, ainsi qu’à une formation commune laquelle doit permettre à toute personne l’ayant validée de s’inscrire au barreau de son choix et d’exercer librement.
À l’occasion de leur huitième Congrès pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990, les Nations Unies ont défini des « Principes de base relatifs au rôle du barreau » dits « Principes de La Havane » afin d’offrir des garanties liées à l'exercice de la profession d'Avocat. Ces principes sont également ceux ont portés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Tous ces textes ont pour vocation de garantir l’accès à la justice et la protection des droits humains et des libertés fondamentales, en particulier les droits de la défense et les garanties d’un procès équitable.
Conscientes des difficultés rencontrées spécifiquement par le jeune barreau et de la protection particulière dont il peut avoir besoin, les associations représentatives des Jeunes Avocats ont décidé par l’adhésion à la présente charte de promouvoir et de défendre les valeurs communes portées par cet instrument.
Article préliminaire
Peuvent être signataires de la présente charte les pouvoirs publics, toute instance représentative de la profession d’avocat, les centres de formation, toute association professionnelle d’avocat régulièrement constituée ou tout jeune avocat qui souhaiterait adhérer à titre individuel.
Chaque signataire s’engage à promouvoir, défendre et mettre en œuvre les principes contenus dans la présente charte.
Titre I – De l’entraide et de la solidarité
Article 1
Chaque signataire encourage les échanges entre les Jeunes Avocats ainsi que les échanges entre les Jeunes Avocats et leurs instances représentatives, dans le but de venir en aide à tout Jeune Avocat qui serait inquiété à l’occasion de l’exercice de sa profession, quel que ce soit le lieu de son établissement professionnel.
Article 2
Chaque signataire s’engage à solliciter la protection des instances et associations, ordinales ou nationales, représentatives de la profession d’avocat en faveur de de tout Jeune Avocat qui serait inquiété dans l’exercice de sa profession.
Article 3
Chaque signataire s’engage à participer à la protection de tout Jeune Avocat qui serait inquiété à l’occasion de sa profession, quel que soit son lieu d’établissement professionnel.
Titre II – De la formation
Article 4
Chaque signataire veille à ce que les Jeunes Avocats puissent bénéficier d’une formation de qualité, délivrée à titre gratuit ou à un coût abordable.
Article 5
Chaque signataire veille à ce que les Jeunes Avocats puissent accéder, gratuitement et dès leur inscription au barreau, à des formations relatives au fonctionnement de leur barreau, aux usages de leur ordre, à l’exercice pratique de la profession, et à toute autre formation nécessaire à un début d’activité respectueux des principes déontologiques et propice au développement de leur activité.
Article 6
Chaque signataire invitera les barreaux et établissements d’enseignement à proposer une alternative à la formation en présentiel, notamment en offrant des formations à distance.
Titre III – De l’exercice de la profession d’avocat
Article 7
Chaque signataire s’engage à ce qu’aucun avocat ne subisse une discrimination, dans quelque matière que ce soit, à raison de son âge ou de son ancienneté d’inscription au barreau.
Chaque signataire mettra tout en œuvre afin de garantir et faire respecter les droits des Jeunes Avocats en tant qu’avocat de plein exercice.
Article 8
Chaque signataire s’engage à ce que le Jeune Avocat, collaborateur, perçoive une juste rémunération en contrepartie du travail accompli pour le compte du cabinet au sein duquel il exerce.
Chaque signataire veille à ce que le Jeune Avocat, collaborateur, puisse bénéficier des moyens matériels lui permettant d’exercer sa profession et, le cas échéant, de développer sa clientèle personnelle.
Article 9
Chaque signataire s’engage à ce que les Jeunes Avocats puissent exercer leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ou ingérence, dans leur pays d’exercice comme à l’étranger et à ce que les Jeunes Avocats ne fassent pas l’objet de poursuites à raison de l’exercice de leurs missions.
Article 10
Chaque signataire s’engage à ce que les Jeunes Avocats puissent se déplacer et consulter leurs clients librement, dans leur pays d’exercice ou à l’étranger, sans qu’ils ne fassent l’objet de poursuites, de sanctions ou de mesures dissuasives.
Article 11
Chaque signataire s’engage à veiller à ce qu’aucun tribunal ni autorité administrative ne refuse l’intervention d’un Jeune Avocat pour le compte de son client.
Chaque signataire veille à ce qu’aucune restriction légalement applicable ne fasse obstacle à la liberté d’exercice dont doit jouir le Jeune Avocat.
Article 12
Sans discrimination aucune, chaque signataire portera une attention particulière au respect du principe d’immunité de plaidoirie dont bénéficient également les Jeunes Avocats.
Titre IV – Des réalisations communes
Article 13
Tout Jeune Avocat a le droit d’exprimer, individuellement et collectivement, des idées et opinions liées à l’exercice de la profession d’Avocat, ainsi que de promouvoir la protection et la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales tant au niveau national qu’international.
Article 14
Tout Jeune Avocat doit pleinement jouir de la liberté de réunion.
Tout Jeune Avocat a le droit de prendre part à des discussions publiques ayant pour objet le droit, la justice, les libertés fondamentales et tout autre sujet en lien avec l’exercice de sa profession.
Tout Jeune Avocat a le droit de constituer des associations professionnelles autonomes et le droit d’adhérer à de telles association en vue de la promotion et de la défense d’intérêts communs.
Les membres de ces associations élisent leur organe directeur, lequel exerce ses fonctions sans ingérence extérieure.
Article 15
Les droits et libertés reconnus aux articles 13 et 14 de la présente charte ne doivent subir aucune restriction disproportionnée ou injustifiée.
Article 16
Chaque signataire veille à ce que les Jeunes Avocats puissent participer à des événements, réunions, journées, formations, organisés par toute personne privée ou publique en lien avec l’exercice de la profession.
Chaque signataire invite les barreaux à organiser des événements destinés à mettre en valeur les qualités juridiques ou oratoires des Jeunes Avocats.
Titre V – De la Défense
Article 17
Chaque signataire fera en sorte de promouvoir le rôle des Jeunes Avocats dans la défense pénale et, notamment, d’urgence.
A cette fin, les Jeunes Avocats doivent bénéficier d’une formation adaptée conformément aux principes érigés dans le Titre II de la présente charte.
Article 18
Tout Jeune Avocat, choisi ou commis d’office, peut assister une personne arrêtée, placée en détention ou accusée d’un crime ou d’un délit sans que son âge ou sa date d’inscription au barreau n’y fasse obstacle.
Article 19
Chaque signataire fera en sorte de promouvoir la juste rémunération du Jeune Avocat commis d’office ou participant à la défense pénale d’urgence.
Article 20
Le Jeune Avocat ne peut être mis en cause personnellement pour les faits reprochés à son client.
Titre VI – De la réglementation, du contrôle et de la gouvernance
Article 21
Chaque signataire s’engage à ce que les Jeunes Avocats soient mis en mesure de participer au fonctionnement des instances chargées de la formation, du contrôle, de la réglementation ou de la gouvernance de la profession d’Avocat.
Chaque signataire s’engage à ce que des conditions minimales d’âge ou d’ancienneté ne soient pas de nature à priver les Jeunes Avocats de la possibilité de participer au fonctionnement de ces instances.
Dans l’hypothèse où une condition d’âge ou d’ancienneté raisonnable serait requise, chaque signataire s’engage à offrir un ou plusieurs sièges, avec voix consultative, aux représentants des Jeunes Avocats ne remplissant pas ces conditions d’éligibilité.
Article 22
Sans discrimination aucune, chaque signataire portera une attention particulière à ce que les procédures disciplinaires engagées contre des Jeunes Avocats soient portées devant une instance disciplinaire impartiale constituée par le Barreau ou devant une autorité ou un tribunal présentant toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance.
Les procédures disciplinaires engagées à l’encontre d’un Jeune Avocat doivent être instruites conformément au code de conduite professionnelle et aux règles déontologiques applicables à l’ensemble des avocats rattachés au même Barreau.
Les Jeunes Avocats, avocats de plein exercice, doivent bénéficier de garanties procédurales leur permettant de contester les décisions disciplinaires les concernant devant un organe judiciaire impartial et indépendant.
Titre VII – Dispositions finales