Avocat et Psychologie



Article de Karine MIGNON-LOUVET, paru dans le Jeune Avocats Magazine n° 108 - Mars 2011





La Commission prospective qui traite des différentes questions impactant l’exercice professionnel orienté vers l’avenir de la profession a pu constater l’évolution du rapport avocat / client.

La psychologie prend une place de plus en plus importante dans le monde professionnel en général et notre métier n’y échappe pas.

Même si le droit reste le fil conducteur de l’exercice de l’avocat, la profession doit prendre en compte le besoin croissant de psychologie.

La Commission prospective a mis en exergue les facteurs multiples de cette nouvelle demande, qui émane tant des clients que des avocats eux-mêmes, et notamment :

- La hausse des exigences des clients (ces derniers ne se contentent plus de l’aspect juridique de la prestation mais attendent un accompagnement global, un service rassurant, voire même un soutien plus psychologique).

- La recherche accrue de règlement amiable des litiges par des justiciables insatisfaits et confrontés à l’engorgement des Tribunaux, et par suite, l’ouverture de nouveaux champs d’activité tels que la médiation, la procédure participative, le droit collaboratif, dont la psychologie est une composante centrale.

- L’explosion des nouvelles technologies.

- le fait que la profession soit diverse dans son mode d’exercice et ce dans un monde en perpétuel mouvement et en pleine mutation.

- l’évolution générale du monde du travail de plus en plus confronté à un accroissement des risques psychosociaux (souffrance au travail, dépression …), auxquels les avocats n’échappent pas.

Comme toutes les autres professions, la profession d’avocat est touchée par le stress, mais la nature de son activité prédispose ses membres à un risque accru en ce domaine (résolution des conflits – opposition – travail dans l’urgence – pression du client – de l’avocat adverse – du magistrat – pression financière – angoisse des fins de mois – peur de l’échec – lacunes en management – profession en représentation – partage vie personnelle/vie professionnelle difficile – effets collatéraux de l’avocat surmené vis-à-vis des associés, collaborateurs, salariés, clients – manque de reconnaissance).

Forte de ces constats, la Commission a examiné comment la psychologie pouvait être mise au service du client.

Si l’avocat acquiert avec l’expérience et l’ancienneté une certaine psychologie, il n’a pas été formé.

Pourtant certaines matières du droit exigent plus l’utilisation de la psychologie (telle que le droit de la famille) ou l’utilisation d’un expert psychologue ou psychiatre (droit pénal).

Mais c’est également vrai pour le droit du travail (harcèlement…) et dans tous les autres domaines du droit dès lors que nous exerçons une profession de Conseil avec un contact humain et une volonté d’aider une personne physique ou morale et/ou de résoudre un litige.

Si le recours accru à la psychologie constitue un outil précieux pour améliorer le service rendu au client, la psychologie doit également d’être mise au service de l’Avocat afin de l’aider à affronter les situations fortes rencontrées dans son exercice professionnel.

Aujourd’hui, 1 femme sur 3 et 1 homme sur 4 quittent la profession dans les 10 ans.

La profession d’avocat est considérée comme à haut risque en terme de stress, et celui-ci est d’autant plus accru que l’avocat en difficulté est souvent isolé, honteux vis-à-vis de ses confrères, craintif vis-à-vis de l’ordre et plus l’habitué de s’occuper des problèmes des autres que des siens.

Soumis au secret professionnel, il parle peu de ses difficultés ou les dissimule car l’image de l’avocat doit rester intacte.

Les derniers chiffres démontrent que les arrêts maladie sont en augmentation et que la majorité des indemnités journalières versées est liée au stress (problème de dos, maladie cardio-vasculaire et dépression).

47% des jours d’arrêt sont à la conséquence de dépressions nerveuses.

Il était dès lors indispensable que la Commission prospective du Conseil National des Barreaux s’intéresse à cette situation et sensibilise la profession.

Il ne s’agit en aucun cas de noircir le tableau mais au contraire d’utiliser la psychologie d’abord au service du justiciable, pour que l’avocat soit lui-même plus serein dans l’exercice de sa profession, tout en rendant un meilleur service à son client.

Le rapport, qui a été établi par la Commission et voté l’Assemblée Générale au mois de mai 2010, a préconisé un certain nombre de solutions telles que :

- la promotion auprès des avocats des modes alternatifs des conflits et des formations sur la gestion du stress, le management, la gestion de cabinet, la réception et facturation du client,
- un audit, déjà à disposition sur le site du Conseil National des Barreaux, pour dresser dans nos cabinets un diagnostic des facteurs de stress,

Un questionnaire à choix multiples a aussi été élaboré, en lien avec des spécialistes des risques psychosociaux et des médecins pour que les confrères puissent en toute discrétion mesurer leur état de stress.

La commission travaille, par ailleurs, actuellement à la création d’une hotline, soumise à la confidentialité, permettant aux confrères de faire part de leurs difficultés. L’idée étant de permettre un premier contact téléphonique avant la prise de contact avec un psychologue.

La psychologie doit prendre toute sa place dans l’exercice de notre profession, tant dans l’intérêt des clients que dans le nôtre. La commission prospective du CNB y travaille.

Lundi 4 Avril 2011
Anne-Lise LEBRETON

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