Alain Guidi - Discours

62ème CONGRES DE LA FNUJA - JEUDI 25 MAI 2006



Madame la Directrice de la Réglementation des Professions, 
Monsieur le Député, 
Monsieur le Maire de FORT-DE-FRANCE, 
Monsieur le Bâtonnier, 
Monsieur le Président de la Cour d'Appel, Monsieur le Substitut Général, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE, Monsieur le Procureur de la République, Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats, 
Monsieur le Président du Conseil National des Barreaux, chère belle mère, 
Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers, cher Frank et vous aussi Monsieur le Bâtonnier du Barreau de PARIS, cher Yves, 
et Monsieur le Bâtonnier de Marseille, Marc Bollet








Et vous tous mes chers amis de la FNUJA, et c'est de cette façon là que je vous ai appelé tout au long de la centaine de courriels que je vous ai adressés au cours de cette année pour vous tenir informés de la vie de notre Fédération.









C'est par le plus triste de ceux-ci que je voudrais aujourd'hui commencer ce discours, celui par lequel, Madame la Présidente de l'UJA de la MARTINIQUE, je vous transmettais les amitiés de la Fédé lors de la catastrophe aérienne qui a frappé l'Ile.









Pour venir moi aussi d'une île, je sais combien ne serait ce que par familles interposées, l'intégralité de la population de la MARTINIQUE a été touchée et je vous renouvelle au nom de la FNUJA notre amitié.









La FNUJA, c'est aussi la joie et c'est aussi la fête, c'est pour ça que je reprends immédiatement le chemin de la vie qui continue.









Madame la Présidente de l'UJA de la Martinique, six ans d'existence pour votre UJA et déjà un Congres !









Je veux que vous saluiez toute votre équipe pour ce Congrès qui va se dérouler je le sais, sous les  meilleurs auspices.














THEME N°1 : LES DROITS DE LA DEFENSE









a) En France









Mes chers amis, voici un peu plus d'un an maintenant vous m'avez fait l'honneur de me confier la présidence de la FNUJA, premier syndicat d'avocats de FRANCE à un moment où les droits de la défense n'étaient plus respectés, où la fonction même de la défense était menacée.









Rappelons-nous, c'étaient les affaires MOULIN, MAIZIERE.









France MOULIN c'était une avocate toulousaine dont les locaux avaient été perquisitionnés, mise en détention à titre provisoire de façon injustifiée.









Maître MAIZIERE avait été écouté au titre des écoutes téléphoniques indirectes.









Au congrès de la FNUJA à MONTPELLIER, Monsieur le Bâtonnier de PARIS, votre prédécesseur le Bâtonnier BURGUBURU s'était expliqué sur les perquisitions au sein même de l'Ordre de PARIS.









Bref, nous en étions à nous demander que se passe-t-il ?









Ne peut-on plus exercer notre métier, ne voulons-nous plus d'avocat au sein des cabinets d'instruction, ne voulons nous plus de confidentialité ?









Un petit groupe, celui de la commission pénale s'était alors réuni à MONTPELLIER pour demander une manifestation dans les locaux du Tribunal de Grande Instance où nous avons lu un message qui reflétait ce sentiment là, ce dégoût là, cette remise en cause de nos robes noires.









Nous avions alors décidé de poursuivre notre action qui a eu lieu notamment à PARIS mais aussi dans les autres grandes villes de province où apparaissaient les avocats bâillonnés.









C'est sous cette pression-là, demandant l'abrogation de ce fameux article 434-7-2 que nous avons poussé, Madame la Directrice des Professions Juridiques, le Conseil National des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers, et Monsieur le Bâtonnier de PARIS à entamer des négociations.









Quelle est la situation aujourd'hui :









1) l'article 434-7-2 du Code Pénal a été modifié, l'infraction aujourd'hui ne peut être constituée que si la révélation est faite sciemment dans un dessein d'entrave de déroulement des investigations, ce qui inclut un double élément intentionnel pour que l'infraction soit constituée.









En outre, la peine encourue en cas de divulgation est abaissée de 5 ans à 2 ans d'emprisonnement pour les infractions les moins graves.









La détention provisoire ne peut donc être ordonnée sauf pour une liste limitée d'infractions liées à la criminalité organisée, au terrorisme et à la délinquance financière.









2) Les règles applicables aux perquisitions dans les cabinets d'avocats sont étendues à celles effectuées dans les locaux des conseils de l'Ordre des avocats et les prérogatives du Bâtonnier sont renforcées.









3) Les écoutes téléphoniques dites indirectes sont interdites quand il s'agit de conversation entre une personne mise en cause et son avocat et ne peuvent plus êtres versées a la procédure.









Je considère aujourd'hui que notre Fédération a rempli son rôle syndical en continuant à demander l'abrogation de l'article 434-7-2 permettant ainsi à nos instances sous cette pression de négocier au mieux dans les intérêts de notre profession.









Il faut se féliciter de ces avancées mais porter pourtant notre réflexion un peu plus loin, un peu plus haut.









Imaginait-on il y a seulement quelques années perquisitionner un Ordre ?









Perquisitionner une Caisse de règlements ?









Imaginait-on il y a simplement quelques mois écouter même de façon indirecte un avocat ?









Cette situation n'a été possible qu'en raison d'une dégradation des relations avocat/magistrat qui est aussi la résultante de l'application de lois dites PERBEN.









Le contrat de courtoisie judiciaire a me semble-t-il été rompu entre magistrats et auxiliaires de Justice dans ces affaires qui n'auraient jamais dû, jamais dû exister.









Je veux simplement dire aux magistrats que nous faisons partie du même bateau, pour moi le plus beau du monde, celui de la Justice.









Il a un petit moteur et à chaque vague c'est une tempête, aussi ensemble faisons en sorte de le faire naviguer le mieux possible.









C'est, Madame la Directrice des Professions Juridiques et Judiciaires, ce que j'ai expliqué à la commission parlementaire sur OUTREAU lorsque j'ai été entendu.









OUTREAU, c'est le scandale de la détention provisoire et son corollaire de drames humains mais c'est aussi de nouveau les droits de la défense qui sont essentiels.









Aujourd'hui, je pense que l'état d'esprit a complètement changé, que les droits de la défense, me semble-t-il, sont considérés aujourd'hui de nouveau comme essentiels.









La F.N.U.J.A écoutera avec attention les conclusions de l'enquête parlementaire qui seront rendues je crois le 7 juin.









Mais d'ores et déjà, parce que nous nous méfions un peu du calendrier politique, la F.N.U.J.A revendique aujourd'hui des réformes d'urgence :









- La première, celle de la garde à vue.









On en a beaucoup entendu parler pendant l'affaire OUTREAU du miracle de l'audience.









Je veux parler ici aujourd'hui de l'enfer de la garde à vue.









C'est une zone évidente de non droit où les menaces policières voire des violences physiques policières sont monnaies courantes avec la pression sur les plus faibles.









L'assistance immédiate de l'avocat, avec un accès au dossier et la possibilité pour la défense de participer à l'enquête immédiatement devant les services de Police, est une évidence de la même façon que l'enregistrement des auditions.









On ne verrait pas pourquoi l'avocat pourrait intervenir normalement devant le Juge d'instruction sans pouvoir intervenir devant les services de Police.









-       La détention provisoire :









Il faut bien sûr l'encadrer avec des critères plus précis en supprimant la notion de trouble à l'ordre public qui est une notion vague, subjective.









Il faut :




-       y ajouter des délais butoirs,




-          et il faut enfin que le débat devant le Juge des libertés et de la détention existe de façon satisfaisante car celui-ci, aujourd'hui, soit ne connaît pas le dossier, soit a une vision parcellaire celle de l'accusation puisque l'avocat n'a pas eu accès au dossier pendant la période de garde à vue.









Bref, il faut augmenter le contradictoire où il n'existe pas et l'augmenter là où il existe déjà.









Et toutes ces garanties, toutes ces obligations, il faut les assortir d'une sanction, il faut que  la nullité de la procédure soit prononcée.









b) Hors de France









La FNUJA a également vocation dans la mesure de ses possibilités à intervenir partout où on le lui demande quand la cause est justifiée.









Ainsi cette année de nouveau notre Fédération est intervenue, grâce aux U.J.A de NICE et de ROUEN, au BENIN afin de coordonner et créer une permanence pénale pour les les femmes et les mineurs devant le Tribunal de OUIDAH.









La FNUJA s'est rendue à EL AIOUN au SAHARA OCCIDENTAL pour assister en qualité d'observateur au procès des partisans de l'indépendance de ce territoire, les poursuites étant fondées sur leur activité en faveur des Droits de l'Homme. Au regard des peines prononcées, on  peut penser que la présence notamment de la FNUJA a eu une incidence déterminante, tant sur la liberté avec laquelle la défense a pu s'exprimer, que sur les peines clémentes qui ont été infligées aux accusés.









Enfin, la FNUJA a apporté son concours :




- à l'association « Avocats Sans Frontières »




- à l'association « Ensemble tous contre la peine de mort 




- au Barreau de Tunisie









Encore une fois, c'est sans prétention, mais nous sommes persuadés à la FNUJA que les petits ruisseaux arriveront un jour à faire un grand fleuve.














THÈME N°2 : LA CONDITION PÉNITENTIAIRE









Parler de la détention provisoire c'est évoquer la condition pénitentiaire.









Vous savez Madame la représentante de la Chancellerie que la situation de nos prisons n'est pas satisfaisante.









Je pense que vous allez nous dire, et d'ailleurs peut être avec raison, les efforts de la Chancellerie en ce domaine sur le budget alloué à la condition pénitentiaire, ainsi que sur la rénovation du parc pénitentiaire.









Peu importe, ces efforts ne suffisent pas à compenser l'augmentation du nombre de détenus, pas plus que l'on ne se pose aujourd'hui la question de l'utilité de cette sanction pénale .









Le constat est malheureusement simple : 58.000 détenus pour 51.000 places, 9.500 personnes qui entrent et sortent de prison chaque année, 80% des sortants sont libérés sans aucun suivi, posant ainsi la question de la récidive.









Je ne crois pas qu'en ce domaine notre Garde des Sceaux ait été heureux dans ses déclarations :









-  tant sur la récidive rappelé à ce titre par Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,









- que sur la proposition qui lui a été faite de fixer un nombre maximum de personnes détenues par rapport au  nombre de places.









Je persiste à penser que pour 80% des détenus, la détention est inutile.









Alors faut-il mettre en place et fixer chaque année un nombre maximum de personnes détenues qui permettrait de gérer au mieux la population pénale, et obliger le système judicaire à mieux utiliser les peines alternatives à la prison.









C'est l'idée toute simple qu'en prison il ne faut plus accepter que sur une place, c'est-à-dire 9m², on  mette plus d'une personne.









Ce qui est possible à l'extérieur et possible à l'intérieur.









C'est de cette idée là qu'il faut parler aujourd'hui et en parler le mieux possible, c'est la raison pour laquelle la FNUJA s'associe aux « Etats généraux de la condition pénitentiaire » qui sont une manière de prendre acte d'une situation de blocage et de persistance dans des orientations politiques désastreuses.









En effet, jamais le budget de la Justice ne sera suffisant pour construire un parc pénitentiaire qui répondra aux besoins de la population carcérale.









Ces «Etats généraux » auront pour but de recueillir les cahiers de doléances de toutes les personnes qui contribuent au fonctionnement du système carcéral.









Ces cahiers seront adressés aux pouvoirs publics comme aux candidats à l'élection présidentielle, et auront valeur d'injonction à agir, et ce, dès le mois d'octobre 2006.









Je souhaite que l'on débouche enfin sur un consensus politique et que la France regarde de nouveau droit dans les yeux l'état de ses prisons, que la France ne se moque plus des rapports de Monsieur le Commissaire Aux Droits de l'Homme Monsieur GIL-ROBLES.









Sinon la France serait considérée comme la patrie des Droits de l'Homme mais ferait partie des pays qui les proclament sans pouvoir les respecter.














THÈME N°3 : LE BUDGET DE JUSTICE









Toutes ces analyses ne pourront être obsolètes que lorsque nous aurons un budget de Justice qui soit en adéquation avec nos prétentions sans cesse réitérées.









Comment peut-on indiquer aujourd'hui que le budget de la Justice est une priorité pour l'Etat alors même que le budget total de 5.9 milliards d'euros ne correspond qu'à 2,6% du budget de l'Etat.









Comment peut-on indiquer que le plan pluriannuel pour la Justice énoncé par Monsieur Dominique PERBEN à son arrivée au Ministère sera respecté ?









Il prévoyait une augmentation entre 2003 et 2007 de 3,6 milliards d'euros pour les crédits en dépense ordinaire et de 1,7 milliards au titre du nouveau programme soit 5,3 milliards.









Or, en 2003, première année d'application du plan, le budget est passé de 4,7 milliards à 5 milliards puis à 5,28 milliards en 2004, 5,4 milliards en 2005 et 5,8 milliards pour 2006.









Il y a peu de chance pour que le plan pluriannuel soit respecté malgré, Madame, l'augmentation du budget de la Justice qui encore une fois ne peut à mon avis que compenser tout simplement l'augmentation des besoins de la Justice mais certainement pas en rattraper le retard.









Il faut, et je crois que l'affaire d'OUTREAU aujourd'hui en est la démonstration, faire en sorte qu'une prise de conscience collective assortie d'un courage politique permette de dire aux citoyens si vous voulez une Justice de qualité sans dysfonctionnement, il faut être prêt à en payer le prix.














THEME N°4 : L'AIDE JURIDICTIONNELLE









Misère du budget, misère de la Justice, misère de l'aide juridictionnelle.









Le constat en ce domaine est accablant.









On va finir par se poser la question de savoir si l'avocat a été fait pour l'aide juridictionnelle ?









C'est un peu l'observation maladroite du Garde des Sceaux lorsqu'il a nous a reçu au mois de juillet a la Chancellerie.









Encore une fois, Madame la Représentante de la Chancellerie, ce ne sont pas les avocats qui font de l'aide juridictionnelle, mais les justiciables qui en bénéficient.









La seule question qu'il faut poser c'est de savoir si permettre un accès au droit fait partie de la mission de l'Etat.









Le système actuel ne le permet pas tant les indemnisations octroyées aux avocats, quant elles existent, sont en deçà de tous les coûts de fonctionnement de cabinet.









J'en veux pour preuve, Madame, les chiffres énoncés lors de la commission d'enquête parlementaire d'Outreau.









Peut-on accepter, lorsque l'on sait les conséquences que cela peut avoir, que l'avocat puisse être indemnisé pour :









-        une instruction correctionnelle avec détention provisoire est indemnisée : 429 € ;




          une assistance devant le Tribunal Correctionnel où l'on risque dix ans de prison : 71 € ;




-        une comparution devant un Juge d'Instruction: 64 € ;




-        un débat contradictoire relatif au placement en détention provisoire: 42 €.









Certaines missions aujourd'hui ne sont toujours pas indemnisées :









-        débats sur la prolongation de la détention,




-        défense d'un mineur en matière contraventionnelle devant le Juge de Proximité,




-        assistance et audience devant la Chambre d'Instruction pendant toute la durée d'instruction quelque soit le nombre d'interventions et le nombre de déplacements,




-        recours préalable obligatoire en matière administrative,




-        commissions disciplinaires et administratives diverses,




-        frais de déplacement lors de visites en détention.









Nous exerçons notre métier par choix et par passion, mais il est des fois où la défense de la veuve et de l'orphelin devient impossible.









Le Ministère a saisi le Conseil National de l'Aide juridictionnelle pour obtenir un rapport.









Ce rapport viendra confirmer ce constat qui, je crois, est partagé par l'intégralité de nos institutions représentatives qui ont toutes tiré, à la suite de la mention du comité de juillet de notre Fédération, le constat « stop ça suffit ».









Le contrat social entre le justiciable et l'Etat n'est plus respecté, ce dernier n'assumant plus sa fonction régalienne celle d'assurer une Justice de qualité accessible à tous.









En conséquence, j'entends que, lors de ce Congrès, cette revendication remonte, Madame jusqu'à vos services et que notre profession use de tous les moyens dont elle dispose pour faire cesser cette situation insupportable.














THÈME N°5 : L'ÉVOLUTION DE NOTRE PROFESSION








Jeudi 1 Juin 2006
Aznar Frédéric

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